LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL [2]

Publié le par alain laurent-faucon



Un rapport sur le stress au travail a été remis le 12 mars 2008 au ministre du Travail, Xavier Bertrand. En formulant huit propositions d’action, le document pointe la nécessité de prendre en compte les conditions de travail des salariés mais aussi leur santé psychologique. Le ministre entend reprendre l’ensemble des mesures et a annoncé le lancement d’une enquête nationale dont les résultats seront connus en 2009.


Rappel historique


La conférence sociale, présidée par Xavier Bertrand le 4 octobre 2007, avait porté sur la prévention des maladies professionnelles. A l’issue des débats, Xavier Bertrand et Gérard Larcher, rapporteur général, avaient annoncé l’ouverture de négociations sur trois thèmes : les conditions de travail dans les petites entreprises, le renforcement des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et le droit d’alerte des salariés. Xavier Bertrand et l’ensemble des participants avaient également reconnu la nécessité d’établir des indicateurs fiables et partagés pour évaluer les risques psychosociaux (stress, dépressions, suicides) auxquels peuvent être exposés les salariés.


Pour en savoir plus


Je vous invite à consulter le dossier déjà mis en ligne - LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL [1] - dans lequel vous trouverez les analyses de l'économiste Philippe Askenazy, auteur d'un ouvrage dont je vous ai recommandé la lecture : Les désordres du travail, éd. La République des Idées / Seuil, Paris, 2004. Dans ce dossier sont également proposées différentes pistes de recherche pour obtenir des compléments d'information : livres, internet, écrans.

Voir LES ESSENTIELS [2] et LES ESSENTIELS [3] dans lesquels sont reproduits deux entretiens accordés par Christophe Dejours, psychiatre et professeur de psychologie du travail au Cnam, auteur de Souffrance en France, Seuil, Paris, 2000.

 






DOCUMENTS OFFICIELS



La conférence sociale sur les conditions de travail


http://www.premier-ministre.gouv.fr/

Prévenir la souffrance au travail : une priorité du Gouvernement

Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail. Par Philippe Nasse et Patrick Légeron


12 mars 2008
Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité

http://www.travail-solidarite.gouv.fr/


Les risques psychosociaux posent un ensemble de problèmes divers, complexes et importants du fait du poids de leurs conséquences. Parce qu'ils se développent à la frontière entre la sphère privée (le psychisme individuel) et la sphère sociale (les collectifs d'individus au travail), ils sont au cœur de beaucoup de conflits. Les oppositions d'intérêts qui les traversent entraînent une multiplication des points de vue et des approches et, finalement, une certaine confusion dans les concepts, leurs modes d'analyse et le repérage de leurs causes ou de leurs effets.

C'est pourquoi nous avons d'abord cherché à fixer clairement les concepts utilisés, puis à tracer une voie d'observation des faits couverts par ces concepts qui soit aussi dégagée que possible des contingences conflictuelles qui les entourent. Le rapport fixe l'objet principal de l'étude : le couple formé par la santé psychique de l'individu et ses conditions sociales de travail ; il détaille ensuite les méthodes d'observation de ce couple scientifiquement neutres et fiables.

A cette fin, nous avons tenu le plus grand compte des méthodes utilisées par d'autres pays connaissant des problèmes de risques psychosociaux analogues aux nôtres, mais plus avancés que nous ne le sommes dans leur détection, leur mesure et leur traitement. La méthode repose toujours sur la mise en œuvre d'enquêtes psychosociales, dont la fiabilité statistique est éprouvée, et sur des questionnaires validés et rodés par de multiples expériences. Il n'existe, de par le monde, qu'un nombre limité de ces questionnaires : nous recommandons que le choix final en soit fait au terme d'une procédure d' « expertise collective » validée par le respect des normes correspondant à l'état de l'art en l'espèce, et tenant compte de la démarche européenne dans ce domaine : nous obtiendrons ainsi l'indicateur global qui, aujourd'hui, fait défaut.

En définitive, nous pensons que privilégier l'observation des faits relatifs à des concepts précis et selon des méthodes scientifiquement éprouvées est la meilleure façon d'établir, dans notre pays, un consensus minimum sur la reconnaissance des risques psychosociaux ramenés à des faits et sur leur mesure objective, permettant à la puissance publique, aux entreprises et aux partenaires sociaux d'envisager, ensuite, d'agir ensemble. Nous pensons qu'il faut observer avant d'expliquer, car à rechercher d'abord les causes des risques psychosociaux sans avoir convenu de leur observation, on entre de front dans les débats sur les responsabilités de ces causes, ce qui empêche tout dialogue constructif.

Au total, le rapport aboutit aux neuf propositions d'action suivantes :

 

  1- Construire un indicateur global tiré d'une enquête psychosociale évaluant simultanément les conditions sociales de travail et l'état psychologique du sujet ;

  2- Utiliser comme indicateurs spécifiques les enquêtes nationales existantes et développer des indicateurs spécifiques supplémentaires à partir des mouvements de main d'œuvre, des arrêts maladie de courte durée et en exploitant les rapports de la médecine du travail et des inspecteurs du travail ;

  3- Lancer des expériences pilotes dans la fonction publique ;

  4- Analyser le rôle des incitations dans le fonctionnement de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles de la CNAM-TS ;

  5- Recenser les suicides de salariés au travail et procéder à une analyse psychosociale de ces suicides (« autopsie psychologique ») ;

  6- Lancer une campagne publique d'information sur le stress au travail ;

  7- Former les acteurs au sein de l'entreprise et renforcer leur rôle ;

  8- Créer un portail Internet pour l'information des entreprises et des salariés ;

  9- Charger le futur Conseil d'orientation des conditions de travail de suivre la mise en œuvre de ces actions.

 



Introduction générale


Les risques psychosociaux posent des problèmes difficiles car ils prennent naissance là où les comportements psychiques individuels les plus intimes entrent en symbiose avec les comportements sociaux les plus complexes : ceux des hommes au travail. Ce n'est pas là questions dont on puisse faire promptement le tour ! Ces questions mobilisent, au contraire, les théories, les connaissances, les réflexions des chercheurs qui travaillent dans les champs de la médecine, de la sociologie, de l'ergonomie, voire de cette partie de l'anthropologie qui s'attache à décrypter les tensions qui naissent du heurt de la liberté individuelle et des contraintes sociales. Mais elles mobilisent, aussi la vaste somme des expériences de terrain accumulées par les partenaires sociaux qui se heurtent, sur le lieu du travail à l'apparition de ces risques. Elles mobilisent, enfin, les savoirs- faire de tous les praticiens - publics ou privés - qui tentent de lier, dans les réalités du quotidien, l'amont des chercheurs et l'aval des acteurs pour tenter concrètement de prévenir ces risques et de guérir ou réparer leurs conséquences.

Nous avons donc écouté chercheurs, partenaires sociaux et praticiens qui, avec disponibilité, ouverture, franchise et bonne volonté remarquables nous ont consacré de leur temps. Cette écoute nous a très vite conduit à un constat : la conscience de l'existence d'un problème est quasi unanimement partagée ; la sincérité des interrogations quant à la meilleure façon de le résoudre ne fait aucun doute ; la volonté d'avancer concrètement vers des solutions est présente. Mais il n'y a aucun consensus sur l'identification des causes des risques psychosociaux, sur la mesure de leur occurrence, et, a fortiori, sur le sens des actions qui pourraient être entreprises pour les prévenir, guérir ou réparer.

C'est pourquoi, avec le minimum d'a priori et le maximum de modestie, nous avons cherché quelles dispositions concrètes à portée de la puissance publique et des partenaires sociaux étaient les plus à même de faciliter une amorce de consensus. En regardant autour de nous, il nous est apparu que d'autres pays, comparables au nôtre par leur niveau de développement mais comparables ou différents de par leurs modèles sociaux, avaient su créer un consensus suffisant pour s'engager dans des actions convergentes de prévention de ces risques, malgré les conflits sociaux inhérents à toute organisation du travail.

Dans ces pays, ce consensus est bâti, à la base, sur la constitution d'une information statistique scientifiquement organisée et expérimentalement éprouvée de sorte qu'elle soit aussi peu que possible contestable et, par sa neutralité, puisse servir d'appui à la reconnaissance, par tous les acteurs intéressés, de la nature, de l'étendue et de l'intensité des risques évoqués. Dans un second temps, la recherche des causes de ces risques, leur explication, les actions de prévention à mettre en œuvre peuvent donner lieu à des interprétations différentes. Mais ces divergences naturelles restent contenues par le caractère commun de l'identification initiale de sorte qu'une convergence relative mais suffisante peut s'observer dans la mise en œuvre de la prévention.

Cette observation des pratiques étrangères est pleine d'enseignements. En effet, au-delà de la seule information statistique, il est fréquent que les autorités publiques développent des méthodes de repérage des risques psychosociaux et des techniques de prévention qu'elles mettent à la disposition du grand public, des partenaires sociaux et des entreprises, surtout les petites.

Nous avons donc conduit notre mission en nous inspirant de ces démarches et en cherchant ce qui pourrait conduire à inverser la pratique qui nous semble, en France, conduire au blocage qui paralyse l'action. Le plus souvent, la pratique française privilégie la recherche des causes des risques psychosociaux avant de s'intéresser à l'existence de ces risques eux-mêmes. On explique d'abord ; on observe après. Dès lors, l'accent mis sur les causes se transpose à la recherche de la responsabilité des fauteurs de ces causes et toute possibilité de consensus disparaît dès l'origine. C'est pourquoi nous proposons d'expliquer ensuite mais d'observer d'abord, et ce de la façon la plus neutre possible au regard des causes de ce que l'on observe, comme de multiples exemples étrangers nous le suggèrent. Sur cette base, nous proposons ensuite diverses actions à la portée de la puissance publique, qui puissent être entreprises en coopération avec les partenaires sociaux, et qui soient de nature à aider concrètement à la prévention de ces risques.


Un rapport en trois parties

La première explore les concepts utilisés, de façon à dissiper la confusion qui les entoure : les concepts mélangent et recouvrent, sous des vocables communs, les causes, les risques et leurs effets. Cette partie justifie de dépasser l'opposition artificielle entre l'approche des risques psychosociaux mettant l'accent sur les aspects individuels et médicaux de ces risques, et l'approche collective se centrant sur les conditions sociales de travail où naissent ces risques, pour préconiser une approche simplifiée mais simultanée des aspects médicaux et sociaux entourant ces risques.

La deuxième examine l'ensemble des indicateurs actuels de risques qui nous ont été proposés, qu'ils soient disponibles, rapidement améliorables ou perfectibles au prix d'investissements plus importants. Cet examen permet de constater qu'aucun indicateur existant ne vérifie les conditions requises pour une approche simultanée des aspects médicaux et sociaux des risques, et conduit à dresser la méthodologie que devrait suivre un tel indicateur global.

La troisième regroupe les huit propositions d'actions publiques concrètes à entreprendre, en commençant par la constitution de cet indicateur global, puis en détaillant les actions particulières relevant de la responsabilité de l'Etat (ou, plus généralement, des trois Fonctions publiques) et celles relatives à la formation et à l'information des acteurs concernés par ces risques. En conclusion, une neuvième proposition suggère de demander au Conseil d'orientation des conditions de travail de faire rapport périodiquement au Gouvernement et aux partenaires sociaux sur l'état d'avancement des travaux issus des propositions précédentes.

 


Consultation en ligne


Annexes au Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques sociaux au travail - 402.2 ko
RAPPORT FINAL 12 mars 2008 - 160.9 ko

 





REVUE DE PRESSE



Quand le travail devient une souffrance


LA CROIX -11/03/2008

Le gouvernement doit recevoir mercredi 12 mars un rapport sur le stress au travail. Dans sa consultation spécialisée, à Nanterre, la psychologue Marie Pezé a vu le phénomène s'aggraver depuis dix ans

Elle a les bras croisés, les dents serrées et des larmes ravalées au fond de la gorge. Pour Léa, 35 ans, rien ne va plus au travail. D’ailleurs, rien ne va plus tout court. Elle a pris 24 kilos. Elle ne dort plus. Ses crises d’asthme se multiplient. Sa tension a grimpé à 18. Elle a même, un temps, envisagé le suicide mais, raconte-t-elle à Marie Pezé, psychologue spécialiste de la souffrance au travail qui la reçoit ce matin-là en consultation, la pensée de ses deux enfants l’a retenue.

Embauchée dans une mairie, d’abord en contrat aidé puis comme titulaire, Léa aime pourtant son travail. Quand elle arrive dans son service, elle potasse les textes de loi entre midi et deux, pour «essayer d’être au top». Quand elle ouvre un nouveau dossier pour un usager, elle a à cœur de ne pas attendre la fin de la semaine pour l’envoyer. Elle propose son aide à un autre service en sous-effectif à l’occasion d’une mission ponctuelle.

Face au nouveau logiciel qui donne tant de fil à retordre aux autres attachées territoriales, elle s’en sort « royalement ». Bref, depuis son arrivée, certaines de ses collègues l’ont prise en grippe. L’une d’elles lui donne de mauvaises informations, lui dit qu’elle est incompétente. L’accuse de simuler des malaises ou même de jeter des sorts !

Quand, dans ce service entièrement féminin, où il est malvenu de se syndiquer, ses alliées, chefs ou collègues, partent, elle se retrouve seule en butte à l’hostilité. On ne lui adresse plus la parole dans les couloirs. Il y a quelques jours, sa hiérarchie l’a convoquée pour lui dire que son attitude lui vaudra d’être sanctionnée. Alors elle a craqué.


Marie Pezé reçoit 900 personnes par an


D’une voix douce, Marie Pezé passe du baume sur les plaies. « Vous n’êtes pas à votre place dans ce travail. Il y a une différence de culture trop grande entre vos collègues qui se protègent des difficultés en évitant de faire des vagues et vous, qui montez au créneau sans cesse. Ce n’est pas votre faute, ce n’est pas la leur. Mais il faut maintenant vous sortir de là. » Pour Léa, Marie Pezé demandera au médecin du travail de prononcer une inaptitude temporaire au travail, le temps d’obtenir une mutation pour raison médicale.

« Quand quelqu’un est en pleine détresse dans son travail, parfois, la seule chose à faire, c’est de le retirer de cet environnement professionnel, explique la psychologue. C’est difficile parce que beaucoup vivent cela comme une injustice mais, en restant, ces salariés mettraient leur santé en danger. »

Soigner les salariés en détresse, c’est désormais le métier de Marie Pezé, 56 ans, également psychanalyste depuis trente ans. Elle le fait avec peu de moyens, dans un petit bureau tout nu, éclairé d’une lumière jaune, à l’aide d’un téléphone et d’un énorme carnet d’adresses nourri d’années d’expérience.

En 1995, c’est elle qui a fondé la première consultation « souffrance et travail » à l’hôpital Max- Fourestier de Nanterre. « Au départ, je travaillais comme psychologue dans un service spécialisé dans les douleurs de la main. On s’est aperçu que malgré les opérations, les douleurs revenaient et qu’elles apparaissaient aussi sur des postes où il n’y avait pas de charge physique. On s’est alors interrogé sur l’origine de cette usure et on a découvert tout l’univers du stress au travail, dont on ne parlait pas du tout à l’époque. »

Désormais, Marie Pezé reçoit 900 personnes par an, principalement des femmes « parce que ce sont encore elles qui sont les plus représentées sur les postes déqualifiés ». À l’instar de ce qui se passe dans la vingtaine de consultations spécialisées dans la souffrance au travail qui existent désormais en France, sa salle d’attente ne désemplit pas.

« Depuis 1995, les pathologies s’aggravent, estime-t-elle. Auparavant, les affections dermatologiques étaient la première cause de maladies professionnelles. Maintenant, ce sont les troubles musculo-squelettiques, (NDLR : des atteintes des articulations des membres supérieurs et lombaires), qui peuvent être très invalidants et même conduire à des paralysies. »


« Ce sont souvent les gens les plus investis dans leur métier que l’on retrouve en souffrance"

Lorsqu’en 1998 paraît l’ouvrage de Marie-France Hirigoyen, Le Harcèlement moral, une nouvelle génération de patients, qui mettent enfin un nom sur leur souffrance, arrivent dans son cabinet. «Nous étions un peu dubitatifs au début, commente Marie Pezé. Mais on a vu arriver des névroses traumatiques graves chez des personnes qui n’avaient manifestement fait qu’aller au travail. Nous nous sommes alors rendu compte que le travail avait changé.»

Culte du résultat plutôt que reconnaissance des efforts mis en œuvre. Apparition des notations. Raréfaction des espaces collectifs où les collègues peuvent échanger autour d’un problème. Isolement des individus face aux difficultés…

Laure pourrait sans doute témoigner de cette solitude. Sous le regard compatissant mais silencieux de ses collègues, cette jolie jeune femme de 32 ans, embauchée en contrat nouvelles embauches (CNE) comme hôtesse standardiste dans une étude notariale, a enduré pendant des mois toutes les brimades.

Les monceaux de courrier à affranchir cinq minutes avant la fermeture de la poste ; la sonnette d’entrée que son patron actionne pour la faire revenir rapidement quand elle est aux toilettes ; les consignes contradictoires ; les colères pour une plante trop arrosée…

Jusqu’à ce que son employeur lui envoie la police chez elle pendant son arrêt maladie, la jeune femme avait cru qu’elle devait « faire ses preuves » et que « cela allait s’arranger ». Désormais, elle ne veut plus remettre les pieds à son travail. Elle veut en finir avec la peur au ventre le matin au lever, avec les nuits sans sommeil, avec les anxiolytiques.

Revenir à sa vie d’avant, où tout allait bien, où elle était appréciée dans son travail. « Ce sont souvent les gens les plus investis dans leur métier que l’on retrouve en souffrance quand leur vie professionnelle ne va plus, conclut Marie Pezé. C’est quand même un signe qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans le monde du travail. »

Nathalie BIRCHEM




Le stress au travail

Xavier Bertrand annonce le lancement d'une enquête nationale sur le stress au travail

LEMONDE.FR avec AFP | 12.03.08

Le ministre du travail Xavier Bertrand a annoncé, mercredi 12 mars, le lancement d'une enquête nationale pour mesurer le stress au travail et identifier les secteurs touchés. L'enquête, dont la conception sera confiée à l'Insee, sera annuelle et basée sur des questionnaires "auto-administrés", croisant les conditions de travail du salarié et son état psychologique. Les premiers résultats seront connus en 2009. Elle donnera lieu, dans les branches les plus exposées au stress, à des "négociations obligatoires", a proposé le ministre.

"Le stress au travail a un coût social et humain, mais aussi économique", a souligné Xavier Bertrand : il est "évalué" par le Bureau international du travail à "3 à 4 % du PIB" et un quart des arrêts de travail de 2 à 4 mois sont dus à des problèmes psycho-sociaux.


Combler le retard de la France

S'appuyant sur un rapport sur les conditions de travail commandé à deux experts, Philippe Nasse, statisticien et économiste, et Patrick Légeron, médecin psychiatre, et qui lui a été remis mercredi, le ministre a fixé comme objectif que "d'ici deux ou trois ans la France soit au niveau des pays européens qui apportent les meilleures réponses" en matière de lutte contre le stress.

Le rapport fait au total huit propositions, que le ministre va "soumettre à la prochaine conférence" sur les conditions de travail, prévue au printemps. Il propose notamment de lancer des expériences pilotes sur le stress dans la fonction publique, car l'Etat, "premier employeur de France", doit "réhabiliter ce thème émergent, encore pas suffisamment affirmé comme un risque majeur", selon M. Légeron.


« Veille épidémiologique » sur les suicides au travail

Pour les auteurs du rapport, la mise en place d'un "indicateur global" est un préalable à toute recherche des causes du stress et des actions à mener dans les entreprises. "En France, on commence par chercher les causes, avant toute cartographie du problème", indique Philippe Nasse. Jusqu'alors, expliquent les chercheurs, deux visions s'opposaient : l'une collective, souvent défendue par les syndicats, qui fait de l'environnement et de l'organisation du travail la cause principale du mal-être des salariés, et l'autre plus individuelle, qui a les faveurs des chefs d'entreprise, et prône une approche plus médicale et psychologique des causes du stress. Patrick Légeron et Philippe Nasse, pour qui "cette controverse est dépassée", invitent quant à eux à combiner ces deux approches.

Xavier Bertrand a par ailleurs annoncé le lancement en 2009 d'une "veille épidémiologique" sur les suicides au travail, un phénomène récemment illustré par une série de suicides au Technocentre de Renault à Guyancourt dans les Yvelines. Le constructeur automobile a d'ailleurs confirmé, mercredi, une information de La Tribune selon laquelle un quatrième salarié de ce centre s'est suicidé fin février. Cette veille serait confiée à l'Institut de veille sanitaire (InVS), en liaison avec les services de santé au travail et la CNAM (assurance maladie).




Nouveau suicide au Technocentre de Renault

LEMONDE.FR avec AFP | 12.03.08

Un salarié employé par un prestataire de services travaillant au Technocentre de Renault à Guyancourt, dans les Yvelines – déjà le théâtre de trois suicides entre fin 2006 et début 2007 –, s'est suicidé le mois dernier à son domicile, a-t-on appris, mercredi 12 mars, auprès du constructeur automobile.

Ce salarié s'est donné la mort fin février, a indiqué une porte-parole de Renault, confirmant une information de La Tribune dans son édition de mercredi. Il était employé depuis juillet à la conception de systèmes informatiques pour la société de prestations techniques Assystem et avait travaillé, auparavant, au Technocentre pour d'autres sociétés. Selon La Tribune, qui cite une source syndicale, le salarié était "surmené".


Renault se dit sur « la bonne voie »

L'annonce de ce suicide intervient le jour où le directeur des ressources humaines du groupe Renault, Gérard Leclercq, a estimé, lors d'une conférence de presse, que l'entreprise était sur "la bonne voie" concernant les conditions de travail à Guyancourt. Le constructeur a notamment restructuré, à Guyancourt et sur l'ensemble de ses sites, sa gestion des ressources humaines.

Le cas du salarié d'Assystem n'a pas été évoqué lors de cette rencontre avec les journalistes. "Il ne revient pas à Renault de commenter le décès d'une personne qui n'était pas salariée de l'entreprise", s'est défendue la porte-parole du constructeur, évoquant le respect de la vie privée de la famille et rappelant que le suicide avait eu lieu à son domicile.



Les négociations sur la prise en compte de la pénibilité du travail restent enlisées trois ans après avoir débuté


LE MONDE |
Article paru dans l'édition du 13.02.08.

Trois ans, presque jour pour jour, après avoir ouvert des négociations sur la prise en compte de la pénibilité de certaines professions, les partenaires sociaux donnent le sentiment d'avancer à pas de tortue. Le 6 février, ils ont, de nouveau, constaté leurs divergences à l'issue d'une 16e rencontre qui s'est tenue dans les locaux du Medef. La délégation patronale a défendu l'idée d'un allégement de la charge de travail pour les salariés usés par leur métier. Une proposition insuffisante aux yeux des syndicats : pour eux, les personnes exerçant un métier difficile doivent pouvoir partir à la retraite plus tôt que les autres.

Dès le départ, les négociations sur la pénibilité se sont révélées laborieuses. Prévues par la loi du 21 août 2003 "portant réforme des retraites", elles ont débuté en février 2005. Ce retard à l'allumage tient sans doute à la très grande souplesse du texte : les organisations patronales et syndicales étaient, en effet, seulement "invitées à engager une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité" dans les trois années suivant la parution de la loi. Au bout de quelques réunions, les motifs de désaccords ont émergé : critères à retenir pour définir la pénibilité, participation financière des employeurs, etc.

Suspendues début 2006, les discussions ont repris un an après. Elles ont connu un nouvel arrêt lorsque le chef de file de la délégation patronale, Denis Gautier-Sauvagnac, a dû abandonner son rôle de négociateur en octobre 2007, suite à l'affaire des comptes cachés de l'UIMM. C'est François-Xavier Clédat, président du groupe de BTP Spie Batignolles, qui lui a succédé.


Commission médicale

Depuis, trois réunions se sont tenues, sans progrès notable. Celle du 23 janvier a même tourné à l'aigre, puisque M. Clédat aurait, selon les syndicats, remis en cause le lien entre pénibilité et espérance de vie. Le PDG de Spie Batignolles a rétorqué que ses propos avaient été déformés. Quoi qu'il en soit, le ministre du travail, Xavier Bertrand, est intervenu dans le débat, le 30 janvier, en se disant "choqué" par les déclarations du "négociateur patronal".

Lors de la dernière réunion des partenaires sociaux, le 6 février, les représentants des employeurs ont proposé un dispositif "expérimental" qui permettrait de faire passer à temps partiel les personnes ayant accompli des tâches usantes. Cette solution serait réservée "aux ouvriers et employés d'exécution" âgés d'au moins 58 ans, qui ont travaillé 40 ans - dont 30 dans des conditions difficiles. Elle nécessiterait le feu vert d'une commission médicale, chargée "d'apprécier l'existence de traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés".

Les syndicats ont vu dans cette offre une "provocation" et la preuve que "le patronat ne veut rien faire". Pour eux, l'idée d'un examen au cas par cas marque un "recul" par rapport aux discussions de la fin septembre 2007 : à cette époque, rappellent-ils, les représentants des employeurs se disaient prêts à étudier l'hypothèse d'une "cessation anticipée d'activité".

Officiellement, tous les protagonistes veulent que les négociations aboutissent durant les deux dernières rencontres programmées en mars. Mais un tel dénouement est de plus en plus incertain. M. Bertrand a d'ores et déjà envisagé l'éventualité d'un échec : "Si les partenaires sociaux ne trouvent pas d'accord, nous reprendrons ce dossier dans le cadre du rendez-vous retraites 2008", a-t-il indiqué le 30 janvier.

Bertrand Bissuel

  

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