POLITIQUES PUBLIQUES : LA RGPP [3]

Publié le par alain laurent-faucon


Le Président de la République a présenté, le 4 avril 2008, le « plan de réforme » de l’État et ses principales mesures, sans pour autant rentrer dans les détails. Une confirmation, toutefois : un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé.

 

Réforme, rigueur : « bataille sémantique »

 

« Bataille sémantique », remarque François Vignal dans un article de Libération mis en ligne le 4 avril 2008. « Si l’opposition crie à la rigueur budgétaire, poursuit le journaliste, Nicolas Sarkozy s’en défend. Lors d’un discours sur la Révision générale des politiques publiques, le Président a affirmé ce midi [vendredu 4 avril 2008] qu'il présentait un plan de « réforme », et non de « rigueur ». « Je le dis et je le répète, ce ne sont pas les économies qui feront la réforme, c'est la réforme qui permettra les économies. » « C'est la différence entre la rigueur et la réforme », selon le Président, qui qualifie la journée « d’historique » et de moment « important » de son quinquennat. »





REVUE DE PRESSE

 



Tour de vis

 

Laurent Joffrin - Éditorial - LIBÉRATION - samedi 5 avril 2008


Réformer l’État ? Évidemment ! Chacun ou presque sait, à gauche et à droite, que cette vaste machine, indispensable à l’équilibre social, souffre aussi d’entropie bureaucratique. Qu’on veuille réduire les prélèvements - si l’on est libéral - ou renforcer l’action collective - si l’on ne l’est pas -, les ressources se trouveront principalement dans une meilleure efficacité de la dépense.

La gauche, qui rejette « l’austérité », oublie volontairement cette réalité élémentaire, qui ne manquerait pas de la rattraper si, d’aventure, elle revenait au pouvoir.

Pour autant, le plan annoncé par Nicolas Sarkozy souffre d’au moins deux défauts. Une grande sécheresse technocratique en premier lieu. La réforme de l’État suppose une redéfinition de ses missions qui débouche, ensuite, sur l’organisation des moyens ; elle exige tout autant concertation, négociation et popularisation du changement auprès des agents et des usagers. Faute de quoi les mesures tombent d’en haut, d’autant plus incomprises qu’elles obéissent à une logique des comptes et non du service public. Ainsi l’éducation subira une grande partie des coupes sombres alors qu’elle est priorité nationale.

Le plan Sarkozy, aussi bien, s’avance masqué. Pris à contre-pied par la conjoncture, le gouvernement sait qu’il devra aller plus loin dans les économies, sauf à jeter par dessus les moulins ses engagement européens. Sarkozy, qui se voyait président du pouvoir d’achat, ne se résoud pas à être celui du tour de vis. Il faudra bien pourtant, un jour ou l’autre, manger le morceau.




Le choc du réel


Édito du Monde – paru dans l'édition du 04.04.08.


Depuis trente ans, l'histoire - avec ou sans majuscule - semble se répéter. A la fois ironique et déprimante, grinçante et désolante, mais apparemment implacable. 1981, 1995, 2007 : par un engrenage auquel François Mitterrand et Jacques Chirac n'ont pas su échapper et dans lequel Nicolas Sarkozy est pris à son tour, les trois derniers présidents de la République ont été élus sur un engagement majeur cruellement démenti ou déçu moins d'un an plus tard.

Au début des années 1980, la gauche sut convaincre qu'elle parviendrait à juguler le chômage de masse ; quelques dévaluations et un blocage des prix et des salaires plus tard, elle dut se résoudre à une "rigueur" dont elle essaya de croire et de faire croire qu'elle ne serait qu'une "parenthèse". Quinze ans plus tard, le champion de la droite l'emporta en promettant de réduire la "fracture sociale". Il ne fallut guère qu'un été pour le ramener, et les Français avec lui, aux dures contraintes économiques.

Quant à l'actuel titulaire de la charge, il suscite aujourd'hui d'autant plus de frustration et d'inquiétude que, pour beaucoup, ses engagements sur le "travailler plus pour gagner plus", autrement dit sur le pouvoir d'achat, avaient été convaincants l'an dernier. Il y a trois mois, il reconnaissait que les caisses étaient vides ; le voilà contraint de réduire, coûte que coûte, le train de vie du pays, donc celui des Français.

Comparaison n'est pas raison. En trente ans, situations et conjonctures ont profondément changé. A chaque fois, pourtant, le poids des mots et l'enchantement des promesses n'ont pas résisté au choc du réel. Contradiction intrinsèque du politique, diront les blasés.

Un tel scepticisme est, à la fois, trop commode et dangereux. Il évite de s'interroger sur les blocages spécifiques de la France. Il dispense de s'interroger sur les singularités d'un système institutionnel qui a permis à des hommes aussi différents que François Mitterrand, Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy de s'illusionner à ce point sur leur pouvoir, de croire ou, en tout cas, de faire croire que la réalité se plierait à leur désir. De croire, ou de faire croire, que le budget de l'État est une manne inépuisable qui permet - comme c'est le cas depuis 1973 - de vivre à crédit sans trop se soucier des dettes que leurs enfants auront à rembourser demain. Il dispense, enfin, de réfléchir aux archaïsmes d'un pays dans lequel la faiblesse des organisations syndicales, autant que patronales, rend improbable l'idée même de réformes négociées et pragmatiques.

Le danger, aujourd'hui comme hier, est de creuser toujours un peu plus la défiance des citoyens à l'égard des responsables politiques et de leur action. Et d'entretenir cette espèce de dépression française qui ne lui permet pas de se projeter franchement dans l'avenir.




La rigueur masquée

 

Muriel Gremillet - LIBÉRATION : samedi 5 avril 2008

 

Tout en proclamant « la réforme », Nicolas Sarkozy annonce un programme d’économies et confirme le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

 

Encore une fois, ne pas confondre : « La rigueur, c’est un coup de rabot sur les dépenses qui touche tout le monde de la même façon. Nous, nous faisons la réforme. » En présentant vendredi à Bercy l’étape 2 de la Révision générale des politiques publiques (la RGPP) à l’issue d’un conseil de modernisation de l’État, Nicolas Sarkozy s’est coulé dans le rôle du grand réformateur. Pas d’annonce fracassante, pas de chiffres (si ce n’est que, d’ici 2011, l’ensemble des mesures devrait faire économiser 7 milliards d’euros au budget de l’État), pas de coupe annoncée dans le budget de l’Éducation nationale. Une posture qui permet au Président d’expliquer qu’il ne sera pas celui qui imposera la rigueur au pays, mais au contraire celui qui engage sa modernisation, « toujours promise, jamais faite ». Une « étape importante de [son] quinquennat ».

Pas de chiffres. Pourtant, l’épisode 2 de la RGPP ne satisfait pas grand monde à droite, alors que l’alerte a été donnée sur les finances publiques de la France et que la croissance flanche. « C’est solide, intelligent, analyse Hervé Mariton, mais ça manque d’une dimension politique et d’une stratégie économique. C’est un audit intelligent, pas la rupture. » Les orthodoxes budgétaires, eux, prennent carrément la RGPP de haut. Certes, l’initiative est « bonne », mais, « si on veut vraiment assurer l’équilibre de nos finances publiques, il va falloir aller plus loin », assène Jean Arthuis, sénateur centriste de la Mayenne, président de la commission des finances du Sénat.

Dans tout son discours, le président de la République s’est bien gardé de donner des chiffres : en ajoutant les bouts de réforme annoncés, Bercy peut escompter économiser 450 millions d’euros sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite confirmé hier par le chef de l’État, 90 millions grâce à l’extinction progressive des surpensions versées à certains retraités qui partent s’installer outre-mer, et 200 millions par une optimisation des aides versées aux entreprises. Autant dire, pas tripette. Et ce ne sont pas les exemples bien ciblés dont Nicolas Sarkozy a usé pour faire vivre la délicieuse RGPP, en plaidant par exemple pour la limitation des transferts des détenus lors des audiences de procédure au profit de la « visioconférence », qui y changeront grand-chose.

« Technocrates ». Rien qui puisse entraîner l’enthousiasme d’Hervé Mariton, député UMP de la Drôme, qui qualifie les annonces de vendredi matin de « projet de technocrates intelligents ». « On sait qu’on a au moins 50 milliards d’économie à trouver d’ici 2012, poursuit Jean Arthuis. Alors on voit bien qu’il y reste du travail à faire. »

Le président de la République s’est même payé un luxe suprême : annoncer que la réforme pourrait entraîner des dépenses supplémentaires. « Une réforme ne se fait pas que pour les économies, a-t-il lancé. Je suis d’ailleurs prêt à assumer un coût supplémentaire pour engager la réforme. » Ce coût pourrait être logé dans la création d’un « fonds de modernisation » dans le budget 2009-2011. L’été dernier, l’idée de la création d’un tel fonds était soutenue par de rares députés UMP, qualifiés à l’époque dans leur majorité de « dépensophiles ».

Comme au Canada. « C’est la bonne démarche, explique Jérôme Chartier, député UMP du Val-d’Oise. On peut même imaginer de le financer par du déficit si on sait clairement quel argent permet quelle modernisation. » Au Canada, le gouvernement libéral du Premier ministre Jean Chrétien avait procédé de la sorte, à partir de 2000, pour tailler dans la dépense publique.

« On peut aussi imaginer qu’avec cet argent on puisse aller au-delà du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, poursuit un autre UMP favorable au dispositif. Inciter les gens à partir contre un pécule est le seul moyen de faire des économies. » Et espérer ne pas dépasser la barre sacrée des 3 % de déficit imposée par Bruxelles. Ce qui ferait mauvais genre en pleine présidence de l’Union europénne.




Sarkozy promet "la réforme"

pas "la rigueur"


La Croix - 04/04/2008


Nicolas Sarkozy a présenté, vendredi 4 avril, un plan de modernisation de l'État qui doit faire économiser 7 milliards d'euros de dépenses publiques d'ici 2011. Mais en refusant le mot de "rigueur"


Il s'agit d'un plan de "réforme et non de "rigueur", a affirmé le président de la République, dans un discours sur la modernisation des politiques publiques et la réforme de l'État prononcé à Bercy, vendredi 4 avril.

ll n'a cité aucun objectif chiffré dans son plan de modernisation de l'État visant à des économies budgétaires. Pourtant au même moment, un rapport de son ministre du budget, Eric Woerth, souligne que la révision générale des politiques publiques (RGPP) doit se traduire par un total de 7 milliards d'euros d'économies "à l'horizon 2011".

"Je le dis et je le répète, ce ne sont pas les économies qui feront la réforme, c'est la réforme qui permettra les économies" a martelé Nicolas Sarkozy, venu inaugurer la direction générale des finances publiques, fusion des directions générales des impôts et de la comptabilité.


Réformer le logement social et le Quai d'Orsay

 


Il a confirmé l'objectif de non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite de fonctionnaires entre 2009 et 2011. Mais la moitié des gains réalisés grâce à cette réduction sera redistribuée aux agents.

Le ministre du budget, Eric Woerth, a précisé après le discours de Nicolas Sarkozy que le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite représentait une économie globale d'"à peu près 900 millions d'euros par an. Donc en économies nettes, puisque la moitié est rendue aux fonctionnaires, c'est de l'ordre de 450 millions."

Le président a cité, parmi les réformes à engager, celle du logement social ou le Quai d'Orsay qui doit s'adapter "aux enjeux du XXIème siècle"."Aucun ministère ne sera écarté de la nécessité de la réforme", a précisé Nicolas Sarkozy qui a chargé son premier ministre François Fillon d'organiser la "coordination interministérielle indispensable".


Engagement européen

 


Ces nouvelles mesures sont lancées alors que la France s'apprête à prendre en juin la présidence tournante de l'Union européenne, auprès de laquelle elle s'est engagée à revenir à un "déficit zéro" au plus tard en 2012.

Pour la seule année 2007, le déficit public de la France (État, Sécurité sociale et collectivités locales) s'est élevé à 50,3 milliards d'euros, soit 2,7% du PIB contre 2,4% prévu initialement. Selon Nicolas Sarkozy, "l'équilibre de nos finances en 2012 est à notre portée sans remettre en cause la qualité et l'efficacité de nos politiques publiques".

AFP




Des aides repensées,

des services mutualisés



LE MONDE | 04.04.08 | 12h40  •  Mis à jour le 04.04.08 | 17h27



Alors que les déficits publics dérapent, Nicolas Sarkozy a présenté, vendredi 4 avril, 166 mesures qui doivent faire économiser 7 milliards d'euros à l'État d'ici 2011, dont "plus d'un milliard" doit être redistribué aux fonctionnaires en contrepartie de suppressions de postes.



Les grandes politiques d'intervention



Logement. Les plafonds de ressources pour pouvoir prétendre à un logement social seront indexés sur l'indice des prix à la consommation et abaissés de 10 %. Les surloyers appliqués aux locataires dépassant ces plafonds seront relevés. L'idée est de revenir à une proportion de ménages accédant au logement social de 60 %, contre 70 % actuellement.

Les ressources des organismes HLM seront mutualisées, le 1 % logement sera "profondément rénové". Un objectif quantitatif d'économies sera fixé "pour placer les gestionnaires du 1 % sous contrainte". Les aides à l'investissement locatif seront recentrées sur les zones en tension.

Emploi. La politique sera concentrée sur les demandeurs d'emploi et le retour à l'emploi. Les mesures en faveur du travail des seniors, comme la suppression des préretraites et des dispenses de recherche d'emploi, seront étudiées avec les partenaires sociaux.

Les crédits alloués aux contrats aidés, déjà réduits en 2007 en 2008, seront davantage régulés en fonction du marché du travail. Les crédits de la formation professionnelle devront bénéficier davantage aux chômeurs.

La politique de développement des entreprises. Elle sera recentrée sur les PME pour les aider à franchir le cap critique des 500 salariés. Les aides seront concentrées, sauf exception, sur les entreprises de moins de 5 000 salariés. Deux cents à trois cents millions d'euros seront économisés grâce à la réorientation des aides à la recherche, du fait du crédit d'impôt recherche, sur les PME.

Le nombre des dispositifs territoriaux d'aide à l'implantation, qui profite aujourd'hui à 90 % de la population, sera réduit, leur champ limité et leur durée limitée à cinq ans.



La modernisation de l'État

 

Un État recentré. L'État va concentrer ses structures et ses interventions sur ce qu'il estime être les attentes des Français. Ainsi, le ministère de Jean-Louis Borloo va-t-il abandonner progressivement son activité d'ingénierie concurrentielle pour développer son expertise sur le développement durable et le changement climatique.

Le ministère des affaires étrangères se rénove. Des ambassades communes seront créées, les ambassadeurs auront désormais autorité sur tous les services de l'Etat et les effectifs seront redéployés pour éviter que, comme aujourd'hui, les services français emploient 720 agents au Sénégal et seulement 270 en Inde.

Les suspensions versées aux fonctionnaires choisissant de s'installer pour leur retraite en outre-mer sans y avoir travaillé une durée minimale seront progressivement supprimées.

En ce qui concerne la jeunesse et les sports, les aides en moyens humains et financiers aux fédérations sportives seront modulées.



Un État plus lisible et plus moderne



État local. Le nombre des directions régionales de l'Etat déconcentré passera de 30-35 à 8. Celui des directions départementales s'établira "autour de 5".

A Bercy, une super direction de l'entreprise va être créée à partir de la fusion de la direction générale des entreprises (DGE), de la direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales (DCASPL) et de la direction du tourisme. L'inspection générale du tourisme sera supprimée. Le corps des mines et celui des télécommunications seront fusionnés.

Enseignement supérieur et recherche. Les unités de recherche seront financées en fonction de leurs performances.

Action extérieure. Les achats et l'intendance courante des services de l'Etat à l'étranger seront mutualisés et parfois externalisés. Une Foncière de l'Etat gérera son patrimoine à l'étranger.

Le ministère de la défense va concentrer ses forces sur les unités opérationnelles, au lieu de mobiliser 60% de ses personnels dans le soutien à ces unités. Des services, comme l'habillement, intervenant en France et à l'étranger dans le domaine de la logistique, seront mutualisés.

Sécurité. Le regroupement de la gendarmerie et de la police nationale sous l'autorité du ministre de l'intérieur va permettre, entre autres, la mise en commun les moyens de formation et de faire, selon l'Elysée, "des économies considérables".

Certaines missions seront allégées, comme le transfert de détenus. Les forces mobiles devraient être moins utilisées dans les centres de rétention administrative, où leur intervention coûte 70 % plus cher que celles confiées aux forces non mobiles.





 


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