RMI – LES MOTS D'ANDÉOL [1]

Publié le par alain laurent-faucon



Le RMI, c'est marche ou crève, la soumission, l'humiliation, la perte de toute dignité. Faut tout le temps se justifier, écouter les discours et les conseils de la préposée à la réinsertion ou à quoi au juste, tant elle semble n'être là que pour contrôler, harceler, exclure du dispositif. Mais le pire, c'est d'être obligé de sans cesse se justifier. N'importe quand. Pour n'importe quoi. Sans parler des pressions morales et des menaces à peine voilées. Si tu ne fais pas ça ou ça, « c'est la sortie du dispositif ». On te fait sentir que tu es dépendant. C'est peut-être le côté le plus sordide du système : te faire comprendre que tu n'es rien ou plus rien et que tu dépends de ton référent RMI. De son bon vouloir. De son pouvoir. Et il y a un côté malsain dans ce système, un côté vraiment malsain.



Et à nouveau et encore : l'humiliation. Une humiliation poisseuse qui pourrait avoir pour nom : la servitude volontaire. Si tu l'ouvres, tu es foutu ! Et il n'y a pas d'échappatoire possible. Tu dépends du référent. La moindre incartade, un simple mouvement d'humeur et hop ! on te fait comprendre que tu es un pauvre, un assisté, une charge sociale, et que tu devrais être reconnaissant de ce qu'il est fait pour toi, et qu'il suffirait de cocher, là, juste là, cette case pour te faire sortir du dispositif. Alors, tu écoutes, abasourdi, K.-O. debout. Que faire ? Comment sur-vivre avec une telle misère : moins de 400 euros ! Mais si tu l'ouvres, tu finis dans la rue, SDF. Alors, tu l'écoutes. Tu écoutes. Le référent RMI n'a vraiment rien à dire comme toujours, mais il le fait savoir, lui. Jusqu'à t'écoeurer tant il est nul, incompétent. Et dans sa bouche le mot, le seul mot qu'il connaît : dispositif. Et le seul mot que tu ne peux prononcer : connard ! Et le seul geste que tu ne peux avoir : cogner ! Et pourtant ...



Ce rendez-vous, au moins une fois par mois, pour rester dans le dispositif est laminant. Vraiment ! Entendre, chaque fois, le même laïus. Et, à chaque fois, être contraint de se justifier et d'inventer, à n'en plus finir, des histoires à dormir debout pour éviter de perdre les sommes faramineuses qui te sont versées et que tu dois mériter. Car l'aumône - et le RMI est une aumône -, ça se mérite. Sinon, tu es un escroc, un parasite, un profiteur. Un salaud de pauvre ! Surtout ne pas passer pour un salaud de pauvre aux yeux de ton référent - surtout quand tu sais qu'il est lui-aussi un quasi-pauvre et que le pouvoir utilise toujours des pauvres pour asservir les plus pauvres.



La dignité ne se négocie pas. Mais quand tu as le RMI, tu es obligé de la négocier, ou alors tu te heurtes constamment à la préposée chargée de ton dossier. Et il faut être fort, très fort pour résister, biaiser, contourner, pour ne rien subir ni écouter. Et pour ne pas oublier qu'on a une colonne vertébrale qui permet de rester droit et debout face à l'adversité et aux pouvoirs.



Attendre, subir, se taire. Voilà d'ailleurs les trois maux du Rmiste. De toute façon, avec l'administration et les services sociaux, il faut toujours et encore et toujours attendre, subir, se taire.


[à suivre]

 

RMI - LES MOTS DES MAUX

 





Remarque : Régulièrement sur le blog, il y aura LES MOTS D'ANDÉOL, quelqu'un que je connais comme mon frère, qui pourrait être mon frère, et qui a eu un parcours proche du mien. Nous avons tous deux été journalistes indépendants – freelance ça fait plus chic ! ça fait même américain et baroudeur ?! -, tous deux nous avons travaillé pour le compte de l'IMA (l'Institut du Monde Arabe - Paris), et tous deux enseignons à la fac. 

Je le connais depuis de nombreuses années. En fait, nous nous sommes rencontrés à la Légion étrangère, dans un poste de la Légion, il y a de cela longtemps, très longtemps. Et ensemble, nous avons couru le monde, un peu, passionnément : l'Afrique arabe et noire, l'océan Indien.

Andéol, à un moment donné, a connu le dispositif du RMI – alors que, dans le même temps, il enseignait la culture générale avec moi à l'Institut International Supérieur de formation des cadres de santé, un Institut qui dépend des HCL (hospices civils de Lyon). Là, tous deux, nous préparions les cadres et les professionnels de la santé au concours d'entrée à l'ENSP de Rennes, l'école nationale des directeurs d'hôpitaux. Un Rmiste qui formait les futurs directeurs et directrices d'hôpitaux, je trouvais cela vraiment génial – j'aime quand on bouge les lignes, quand on invente sa vie, qu'on n'écoute pas celles et ceux qui connaissent le chemin. Il était seul peut-être (même si je partageais son secret), mais quelle insolente pirouette dans la solitude glacée du RMI ! Quel pied-de-nez au sort contraire et à son référent RMI qui lui disait qu'il devait accepter n'importe quel travail et qui, bien sûr, était incapable de lui proposer quoi que ce soit, mais qui ne supportait pas qu'il veuille encore et toujours rêver sa vie.

Andéol a tenu un journal de ses errances et désespoirs – car le RMI c'est l'enfer : l'enfer du point de vue financier, même si certains osent affirmer que les Rmistes sont des profiteurs, des parasites ; l'enfer du point de vue professionnel : le mot RMI est la pire des souillures, vous êtes aux yeux des employeurs, comme de vos concitoyens, lessivé, et vous passez pour un raté, un rebut de la société de marché ; l'enfer du point de vue de la santé et ce, malgré la CMU : beaucoup de médecins, de dentistes, etc., refusent de dispenser des soins ; l'enfer du point de vue familial, sentimental, sexuel : allez séduire, quand vous n'avez pas un rond ! Qui a envie d'aimer un fauché ? Car on baise toujours position sociale, même si cela ne se dit pas. Et cela ne se dit pas.

Alain Laurent-Faucon


Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
V
il faut souhaiter que votre bile ainsi déversée, sans parler des insultes à l'égard de celui que vous nommer "votre" référent RMI...vous fasse le plus grand bien!<br /> Vous le savez sûrement: le RMI n'est pas obligatoire par contre l'injonction du législateur à savoir ce que vous faites pour sortir de cette insupportable situation s'impose aussi audit référent qui N'A PAS le pouvoir de décider de la suspension de votre allocation!!!et qui doit justifier du travail qu'il fait avec vous. Aussi, si vous avez à faire à un "enfoiré, un con....", changez-en autant que vous voulez, le suivant n'aura pas plus de moyens mais peut-être plus de considération à votre égard. Et souvenez vous qu'il n'est pas responsable de votre situation. Adressez votre colère à qui de droit.<br /> NB, le montant du RMI indiqué dans tous les articles (à plus de 400euros) pour une personnes seule concerne celui qui est SDF. C'est simple.
Répondre
A
<br /> A un(e) certain(e) Vivie ?!<br /> Bien que votre anonymat révèle une certaine veulerie qui n'est guère de mon goût - j'ai horreur des lâches et des délateurs et je vous verrais bien en "corbeau" -, j'ai demandé à Andéol ce qu'il en<br /> pensait avant de prendre une décision.<br /> Et il m'a dit que, qui que vous soyez et quelles que soient vos intentions malsaines et louches, vos propos correpondaient merveilleusement bien à cette pensée paresseuse qui relève de la bêtise au<br /> vrai sens du terme, celle de la "raison suffisante".<br /> En outre, ce genre de propos pourraient aussi bien être tenus par des personnes ou des petits chefs travaillant dans le secteur de la précarité et du RMI.<br /> Encore bravo pour cette couardise qui, me semble-t-il, vous est familière !<br /> Alain Laurent-Faucon<br /> Voir la réponse d'Andéol dans RMI - LES MOTS D'ANDÉOL [6]<br /> <br /> <br /> <br />