LA DISSERTATION : UNE TECHNIQUE [4]

Publié le par alain laurent-faucon




Dans les concours administratifs de catégorie A et dans les concours d'entrée aux grandes écoles, la dissertation de culture générale est, à la fois, une épreuve majeure et redoutable, d'abord parce qu'elle est dotée d'un fort coefficient, ensuite parce qu'elle est souvent très mal préparée par les étudiant(e)s et les candidat(e)s, certains estimant que la culture générale c'est du baratin et qu'il suffit d'appliquer un plan passe-partout, style problèmes/solutions, pour que le tour soit joué.

 

A la décharge des étudiant(e)s et candidat(e)s, il faut reconnaître que, dans la plupart des cas, notamment à l'université, celles et ceux qui sont chargés d'enseigner cette matière sont rarement compétents. Pour deux raisons : puisque ce n'est pas une discipline académique, la culture générale est une voie de garage ; puisqu'elle est inutile, voire invalidante, dans un cursus universitaire digne de ce nom, elle est donnée, en guise de gagne-pain, aux jeunes doctorant(e)s et aux autres vacataires qui ont besoin de faire des heures pour boucler leurs fins de mois.

 

Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il n'est donc pas étonnant que les notes soient si mauvaises. Beaucoup échouent l'écrit – et parfois l'oral – à cause de la culture générale.

 

Le plus terrible, c'est que vous êtes nombreux à chercher quel pourrait être le thème dans l'air du temps susceptible de faire l'objet d'un sujet, mais vous êtes une minorité à vous demander si vous connaissez le b.a.-ba de cette technique très particulière qu'est la dissertation.

 

Qui dit « technique », dit contraintes, règles et normes, procédures à respecter, etc. On ne fait pas n'importe quoi, n'importe comment. D'où cette double nécessité :


 

1°) bien maîtriser la technique de la dissertation, puisque la dissertation est d'abord une technique, un savoir-faire imposé, académique – ce qui exige un apprentissage, un véritable travail pour acquérir les mécanismes de la dissertation ;

2°) savoir questionner le sujet et les mots du sujet, ce qui permet d'éviter le hors-sujet très pénalisant, et de concevoir un plan personnel.


 

J’ai consacré, sur mon blog, un bon nombre d’articles et de dossiers sur la dissertation et la façon de questionner le sujet, les mots du sujet y compris les « pauvres de la grammaire » que sont les connecteurs : et, ou, etc.



LA DISSERTATION, UNE DÉMONSTRATION [1]

LA DISSERTATION, UNE COMMUNICATION [2]

LA DISSERTATION, UNE EXPRESSION [3]

QUESTIONNER LE SUJET [1]

QUESTIONNER LE SUJET [2]

QUESTIONNER LE SUJET [3]

QUESTIONNER LE SUJET [4]

QUESTIONNER LE QUESTIONNEMENT

QUESTIONNER LES MOTS [1]

QUESTIONNER LES MOTS [2]

QUESTIONNER LES MOTS [3]

QUESTIONNER LES MOTS [4]

LES MOTS : JEUX ET ENJEUX

 

 

 

Mais il est toujours bon, pour vous convaincre du bien-fondé de mes analyses, remarques, réflexions et mises en garde, de les confronter avec celles d’autres enseignants. 

 

D'ores et déjà, vous devez retenir ces deux points fondamentaux :

 

 

1°) l’ordre du questionnement devient l’ordre du discours (plan)

2°) et l’ordre du questionnement est donné par le sujet lui-même

 

 

Deux types de plan sont possibles : en deux parties ou en trois parties. A vous de choisir selon votre questionnement du sujet. Généralement le plan en deux parties est le plus efficace et le plus prudent, dans la mesure où le temps, le jour du concours, vous est compté, et dans la mesure où il est difficile d'avoir suffisamment de connaissances pour un développement en trois parties. C'est d'ailleurs pour cela que le plan en deux parties est autant prisé, il permet de resserrer votre démonstration tout en permettant de masquer ou d’atténuer vos éventuelles faiblesses du côté des connaissances.

 

Pourquoi ai-je pris cette fois-ci, pour exemple, deux corrigés des sujets du bac philo 2009 ? D’abord parce qu’au niveau du bac, la philo relève plus de la culture gé que de la philo elle-même. Ensuite, parce que les techniques de questionnement du philosophe s’appliquent à tous les sujets de culture générale.

 

Ces techniques de questionnement permettent de « faire parler le texte » et d’éviter les hors-sujet et les plans non « dialectiques » - il faut montrer une pensée en train de se faire, de se développer, montrer que vous savez réfléchir.


D'où le cheminement de la pensée selon trois étapes successives, dont l'ordre de priorité et de succession doit être absolument respecté :

 

 

1°) questionner le sujet et les mots du sujet ;

2°) construire son plan-démonstration à partir de ce questionnement ;

3°) faire monter les connaissances qui peuvent servir à la démonstration.


 

Comme vous le constatez, vous ne faites pas venir vos connaissances avant d'avoir réalisé les deux étapes précédentes. Or, que font la plupart des candidat(e)s ? Dès la lecture du sujet effectuée, ils jettent vite, sur une feuille de papier, leurs connaissances qui pourraient éventuellement « coller » avec le sujet ! Ce qui est aberrant et contreproductif ...

 

 

ALF

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sujet de dissertation n°1



L'objectivité de l'histoire suppose-t-elle l'impartialité de

l'historien ?



Corrigé réalisé par Brice de Villers, professeur de philosophie.

 


Analyse du sujet :


L’interrogation porte sur les caractéristiques de l’histoire comme science (Historie en allemand), et non comme récit, témoignage (Geschichte, pour reprendre la distinction allemande) et sur la principale d’entre elles : l’objectivité. Le présupposé qu’il faudra analyser est donc que l’histoire est objective comme toute science et que cette objectivité est elle-même conditionnée par une prétendue impartialité de l’historien. Que signifie l’impartialité de l’historien ? Est-elle synonyme d’objectivité ? Mais, si l’histoire est une science humaine (ce qu’il faudra définir et montrer), l’historien est-il un scientifique comme les autres (physicien, biologiste…) ?


Problèmes posés par le sujet :


En quel sens parler de l’objectivité de l’histoire et comment justifier cette prétention à expliquer des faits vrais car vérifiés ? Qu’est-ce qui caractérise cette objectivité qui n’est pas du même ordre que l’objectivité des sciences dites exactes ? Peut-il y avoir une subjectivité de l’historien qui ne s’oppose pas à la prétention de l’histoire à être objective, c’est-à-dire indépendante des affects, des goûts et des passions des individus qui l’étudient ? L’histoire est-elle vraiment une science, une connaissance ou une enquête, une recherche tâtonnante comme l’exprime l’étymologie grecque du terme (istoria, enquête chez Hérodote)


Annonce du plan :


Nous montrerons, dans un premier temps, que l’objectivité est caractéristique de la prétention de l’histoire à être une science (partie 1), mais qu’elle ne peut supposer une impartialité de l’historien du fait de sa méthode et de son objet, la connaissance du passé humain par un homme du présent (partie 2). Elle ne repose donc que sur une « subjectivité de recherche » de l’historien.

 

 


Sujet de dissertation n°2

 


Le langage trahit-il la pensée ?

 


Corrigé réalisé par Brice de Villers, professeur de philosophie

 


Analyse du sujet :


Il s’agit de s’interroger sur les rapports entre pensée et langage, avec comme présupposé que la pensée est première et que le langage ne serait que le moyen ou l’instrument de la rendre sensible.

A partir d’expériences concrètes ( incompréhensions, malentendus, termes impropres à exprimer une idée,…), il faudra s’interroger sur les relations entre pensée et langage en déployant les différents sens du terme « trahir » : s’agit-il de manquer à quelque chose que l’on devrait observer ( trahir un secret ) ? de tromper ( trahir quelqu’un intentionnellement), ou de révéler ce qui est caché ou tu (comme un sourire trahit une satisfaction intérieure)


Problèmes posés par le sujet :


Attention à ne pas réduire le sujet à « peut-on penser sans le langage ? » ou « le langage est-il second par rapport à la pensée ? »

Les problèmes posés par le sujet renvoient au lien entre pensée et langage, en comprenant le langage au sens large, qu’il s’agisse du langage courant, du langage mathématique ou conceptuel, du langage artistique (rappel : on parle de système de communication par signaux chez les animaux, pas de langage du fait qu’il n’exprime pas de pensée).

Peut-on supposer une pensée parfaite, claire que le langage obscurcirait ?

Si le langage peut trahir ma pensée, suffit-il de mieux exprimer ce que je conçois clairement ?

N’est-il pas de l’essence même de la pensée que de se constituer par et dans le langage ?


Annonce du plan :


La pensée comme travail de conception et d’intellection claire et distincte bute souvent sur la langage incapable de la retranscrire - le langage me trompe [I]

Un effort d’attention et de recherche de la vérité suffirait alors à produire un discours équivalent à une pensée [II]

Mais il appartient à la nature de la pensée de ne pas exister sans langage, le langage révèle alors la pensée [III]



Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article