DÉMOCRATIE, PEURS ET GRAND RÉCIT
Il ne faut jamais oublier que la peur comme les politiques jouant sur les peurs sont l’un des éléments moteurs de toute campagne électorale et de tout pouvoir institutionnel, en un mot : de toute vie en société [1]. De la peur de l’enfer et de la damnation éternelle agitée jadis par l’Église à la peur des jeunes issus des quartiers et des immigrés - cette fameuse insécurité - relayée par les plus hautes instances nationales.
Et voici que, depuis ces dernières années, une nouvelle peur rallie bien des suffrages : la peur environnementale. Nous tenons là un nouveau « grand récit », après la faillite des anciens « grands récits » - religieux, modernistes (foi dans le Progrès) et marxistes - diagnostiquée par le philosophe Jean-François Lyotard [3]. Voilà donc, avec cet autre « grand récit », l’un des fils conducteurs majeurs de la culture générale pour de nombreuses années, surtout que ce récit - justifié il est vrai - peut se décliner à l’infini, du réchauffement climatique à la géopolitique de l’eau, de la préservation de la nature et de ses ressources au développement durable, etc.
Pour Jean-Pierre Le Goff, philosophe et sociologue, nous assistons peut-être à la naissance du « bobo rousseauiste », alors vous avez tous et toutes intérêt à savoir qui est Rousseau ! Le thème de la nature est donc à l’ordre du jour et nous y reviendrons.
« Le monde mental qui semble être celui de la plupart des électeurs d’Europe Écologie se distingue du reste de la France, pour lequel la question sociale reste prioritaire. Au chapitre des ambiguïtés, l’injonction de sauver la planète secrète aussi son conformisme [...] L’écologie politique est l'un des "haut-parleurs" de l’évolution des mentalités des nouvelles couches moyennes, lesquelles sont désormais culturellement et médiatiquement hégémoniques.
« On voit se développer un nouvel hygiénisme et une sorte d’utopie universelle qui ferait de la planète un thème de réconciliation entre les hommes. Tous les écologistes ne nourrissent pas forcément cette utopie, mais cet ethos pacifiste et moralisateur est un terreau qui leur est favorable. Un messianisme dépolitisé, teinté de catastrophisme, qui dissout la dimension culturelle et politique au profit d’une vision naturaliste – et aussi fortement moralisante – des évolutions. »
Notons, aussi, ce taux d’abstention record qu’aucun homme politique n’a eu l'audace d'analyser ... et qui témoigne « du désintérêt croissant des citoyens envers une institution qu'ils peinent à comprendre et qu'ils jugent éloignée de leurs préoccupations, même si ses prérogatives ne cessent de croître ».
Avec près de 60% d’abstentions, même les vainqueurs hexagonaux sont de faux vainqueurs : que représentent-ils en fait ? Mais, comme toujours en politique, prédominent la langue de bois et l’autosatisfaction. Jusqu’à la nausée !
Une oligarchie - caste composée de politiciens, de hauts fonctionnaires et d’industriels - a confisqué la démocratie à son avantage. Népotisme et système des dépouilles (spoils system) sont, toujours et encore, les « deux mamelles » de la République française [4]. Les loups sont dans Paris et il n’y a plus d’espoir pour qui n'a pas une montre tape-à-l’œil au poignet. La vie publique est la chasse-gardée de celles et ceux qui en vivent et en tirent profit. Même un strapontin au Parlement européen - le purgatoire ? - vaut mieux que le retour à l’anonymat - l’enfer ! - et à une vie loin du pouvoir politique et de son ombre portée.
C’est le règne de « l’entre-soi » au sein d’une oligarchie qui se déchire, tels les Horace et les Curiace, pour savoir qui va dominer la « tribu », et les querelles d’idées (sic !) ne sont qu’un des leviers – alibis ? – dans la chasse aux bonnes places. « Ôte-toi de là que je m’y mette ». Alors à quoi bon voter pour des pantins, tous bords confondus ? Comme le dit un adage populaire, « plus ça change et moins ça change ». Voilà un beau sujet de dissertation !
Mais encore faudrait-il s'intéresser à ces « philosophèmes de la rue » évoqués par la philosophe américaine Avital Ronell et dont personne ne prend garde tant, dans notre culture philosophique et académique, ils font l'objet de tous les mépris. Seul Michel de Certeau, tout à la fois historien, philosophe, théologien, psychanaliste, avait compris, en son temps, que le peuple braconne et invente son quotidien ... D'où ses réactions imprévisibles !
En ce qui concerne cette oligarchie néolibérale qui s'accapare tous les pouvoirs, je vous propose un court passage tiré de l'article du journaliste Frédéric Lemaître, « La social-démocratie, victime inattendue de la crise », le Monde du 17 juin 2009. Bien sûr, il ne s'agit, dans cet extrait, que de la caste des socialistes, mais une lecture régulière de la presse est aussi édifiante concernant l'autre caste de l'oligarchie, celle qui est actuellement en place.
Qui a libéré les marchés de capitaux ? Bérégovoy, ministre des finances de François Mitterrand de 1988 à 1991. Qui a rendu plus attractive la fiscalité sur les stock-options ? Dominique Strauss-Kahn, titulaire du même portefeuille une décennie plus tard. Qui, en 2000, jugeait qu'il fallait réduire l'impôt sur le revenu, y compris des plus riches "afin d'éviter la fuite ou la démotivation des contribuables aux revenus les plus élevés" ? Laurent Fabius, dans les mêmes fonctions. Que pense le PS de ces réformes ? Qu'elles ont contribué au succès international des groupes français et donc à la grandeur du pays ? Que ce sont de nécessaires compromis avec le capitalisme qui nous entoure ? Qu'elles ont participé aux excès de la finance et à l'accroissement des inégalités ? Nul ne le sait. Le rapport de la gauche à l'argent reste un impensé. D'où le malaise de nombreux électeurs et militants. Comme partout en Europe.
Heureusement pour elle, la gauche française n'a pas connu de scandale comparable au SPD quand M. Schröder est devenu l'un des (riches) dirigeants de Gazprom moins d'un mois après avoir quitté la chancellerie. Malgré tout, certains parcours individuels de ministres ou de leurs conseillers à la tête de grands organismes internationaux ou de grandes entreprises privées (Capgemini, Casino, Cetelem, Lazard, demain France Telecom ...) brouillent les frontières entre la gauche et la droite et déstabilisent l'opinion. Vu le chacun pour soi qui règne Rue de Solferino, comment ne pas penser que, pour nombre de leaders socialistes, l'exercice du pouvoir est davantage vécu comme un accélérateur de carrière que comme une mission reçue d'électeurs soucieux de changements collectifs ?
NOTES :
[1] MARZANO Michela, Visages de la peur, PUF, "La condition humaine", Paris, 2009. « La peur gagne. Peur du chômage, peur de l’insécurité, peur des immigrés, peur du changement climatique … Rien de plus humain que d’avoir peur lorsqu’on est face à un danger. Rien n’est pourtant plus utile et dangereux que l’instrumentalisation des peurs. Rappelons Machiavel : la peur est propice au pouvoir. Mais le pouvoir peut-il éradiquer nos peurs ? Ne contribue-t-il pas aussi à les propager ? » Je vous invite vraiment à lire l’ouvrage de Michela Marzano qui est également l’auteur de deux autres livres tout aussi essentiels : Penser le corps paru en 2002, et Je consens, donc je suis … paru en 2006..
[2] Il est vrai qu’aujourd’hui le Catéchisme de l'Église catholique est beaucoup plus nuancé. Voir notamment l’article n°1033: « Nous ne pouvons pas être unis à Dieu à moins de choisir librement de l’aimer. Mais nous ne pouvons pas aimer Dieu si nous péchons gravement contre Lui, contre notre prochain ou contre nous-mêmes : " Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un homicide ; or vous savez qu’aucun homicide n’a la vie éternelle demeurant en lui " (1 Jn 3, 15). Notre Seigneur nous avertit que nous serons séparés de Lui si nous omettons de rencontrer les besoins graves des pauvres et des petits qui sont ses frères (cf. Mt 25, 31-46). Mourir en péché mortel sans s’en être repenti et sans accueillir l’amour miséricordieux de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre. Et c’est cet état d’auto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux qu’on désigne par le mot " enfer ". »
[3] LYOTARD Jean-François, La condition postmoderne, les Éditions de Minuit, Paris, 1979. « Le grand récit a perdu sa crédibilité, quel que soit le mode d’unification qui lui est assigné : récit spéculatif, récit de l’émancipation », p. 63, chapitre 10, intitulé « La délégitimation ».
[4] « Le système des dépouilles (spoils system) repose sur le principe selon lequel un nouveau gouvernement doit pouvoir compter sur la loyauté partisane des fonctionnaires, et donc remplacer ceux qui sont en place par des "fidèles". » - in Wikipédia
La naissance du bobo rousseauiste
par Jean-Pierre Le Goff
Vendredi 12 Juin 2009 - Propos recueillis par Alexis Lacroix
L’injonction de « sauver la planète » sécrète un politiquement correct.
La « percée » d’Europe Écologie, même si elle doit être relativisée en raison du taux élevé de l’abstention et des hésitations jusqu’à la dernière minute d’une large fraction de l’électorat, témoigne d’une mutation assez positive de la sensibilité collective. On assiste à une prise de conscience salutaire du caractère limité des ressources. Désormais, dans de larges secteurs de l’opinion, la volonté se manifeste de concilier la poursuite du développement avec la préservation des grands équilibres écologiques. Pour autant, il n’est pas absolument sûr que, comme l’ont répété Daniel Cohn-Bendit et son entourage, « rien ne sera plus comme avant ». Tout d’abord, l’Union européenne est encore loin de susciter l’adhésion politique : la question de son fonctionnement et de sa crédibilité comme acteur dans le monde fait problème. Ensuite, la fracture sociale – tant en France qu’en Europe – est loin d’être résolue et se double d’une fracture culturelle, en termes de mentalités et de valeurs. Le monde mental qui semble être celui de la plupart des électeurs d’Europe Écologie se distingue du reste de la France, pour lequel la question sociale reste prioritaire. La montée en puissance de l’écologie est indissociable d’évolutions culturelles en partie positives mais aussi porteuses d’ambiguïtés. Au chapitre des ambiguïtés : l’injonction de « sauver la planète » secrète aussi son conformisme, au risque d’empêcher la reconstruction dynamique d’un sens historique. Pour le dire autrement, la montée en puissance des verts trahit aussi la double tentation de la gauche de se détourner de la question sociale et de se retirer de l’histoire. De ce point de vue, l’écologie politique est un des haut-parleurs de l’évolution des mentalités des nouvelles couches moyennes, désormais culturellement et médiatiquement hégémoniques.
En parallèle au succès d’Europe Écologie, on voit se développer un nouvel hygiénisme et une sorte d’utopie universelle qui ferait de la planète un thème de réconciliation entre les hommes. Tous les écologistes ne nourrissent pas forcément cette utopie, mais cet ethos pacifiste et moralisateur est un terreau qui leur est favorable. Un messianisme dépolitisé, teinté de catastrophisme, qui dissout la dimension culturelle et politique au profit d’une vision naturaliste – et aussi fortement moralisante – des évolutions. Le débat démocratique sur les questions écologiques doit pouvoir se faire en toute liberté, en dehors de toute forme de politiquement ou de moralement correct.
Jean-Pierre Le Goff - philosophe et sociologue.
Le taux de participation moyen aux élections européennes s'est élevé à seulement 43,55%, soit une abstention record de 56,45%, selon une nouvelle estimation provisoire publiée dimanche 7 juin dans la soirée par le Parlement européen. Six pays enregistrent des taux d'abstention supérieurs à 70%.
La France a battu son propre record, se plaçant au dessus de la moyenne européenne: seuls 41,05% des électeurs se sont rendus aux urnes, 58,95% s'abstenant donc.
L'Europe bat donc tristement son précédent record d'abstention, qui ne remonte qu'à 2004: 54,6% des électeurs avaient voté à l'époque.
Jusqu'à 70% d'abstention
La palme des taux d'abstention revient à plusieurs pays: la Slovaquie, la Slovénie, la République Tchèque, la Roumanie et la Pologne, qui enregistrent des taux d'abstention supérieurs à 70%.
La Suède n'est pas en reste: alors que le pays va prendre la présidence de l'UE en juillet, 65% des électeurs ont préféré s'abstenir.
La Hongrie (63,72%), le Portugal (63,52%), les Pays-Bas (63,5%), la Bulgarie (62,5%), l'Autriche (57,6%), la France (59,95%), l'Allemagne (57,8%) et l'Estonie (56,8%) terminent la liste des pays où l'abstention a été supérieure à la moyenne européenne.
Meilleur en 2014
Le président sortant du Parlement européen, l'Allemand Hans-Gert Pöttering, a "déploré la très faible participation", estimant que "partis politiques et médias devront examiner les moyens de faire en sorte d'améliorer la manière dont le message du Parlement peut être convoyé".
"Je suis convaincu que le taux de participation sera meilleur en 2014", date du prochain scrutin européen, a-t-il ajouté.
Le président sortant du Parlement a néanmoins relativisé cette abstention, en comparant les taux d'abstention enregistrés avec ceux des États-Unis pour les sénatoriales. "Un tiers des sénateurs sont élus avec un taux de participation inférieur à 40%", a-t-il fait valoir.
"L'Europe est redevable aux électeurs"
José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a pour sa part implicitement jugé les responsables politiques nationaux de l'UE co-responsables du faible intérêt de leurs citoyens pour l'Europe.
En comparaison à 2004, "l'heure ne peut (pas) être à la satisfaction". Les débats des hommes politiques "restent trop souvent centrés sur des questions nationales" a-t-il ajouté, les incitant à "davantage se présenter comme acteurs à la fois nationaux et européens".
Le président de la Commission européenne estime que désormais "l'Europe est redevable aux électeurs de montrer une nouvelle fois qu'elle peut obtenir des résultats". Elle doit affronter la crise économique "en faisant tout ce qu'elle peut en faveur des plus vulnérables dans la société, surtout ceux confrontés au chômage".
Un manque d'enjeu
27 États membres, 388 millions d'Européens étaient appelés à voter du jeudi 4 juin au dimanche 7 juin.
Le taux d'abstention aux européennes n'a cessé d'augmenter depuis l'instauration du vote au suffrage universel en 1979, témoignant du désintérêt croissant des citoyens envers une institution qu'ils peinent à comprendre et qu'ils jugent éloignée de leurs préoccupations, même si ses prérogatives ne cessent de croître.
En 1979, le taux d'abstention n'était que de 37%.
Le manque des électeurs s'expliquerait par l'absence d'enjeu européen clair, comme par exemple le choix du président de la Commission européenne. Actuellement les chefs d'État et de gouvernement de l'UE désignent un candidat, soumis en suite au vote du Parlement européen.
Le traité de Lisbonne, s'il entre un jour en vigueur est censé remédier en partie à ce problème. Le traité stipule clairement les dirigeants européens devront prendre en compte le résultat des élections européennes pour choisir le chef de l'exécutif européen.
L'abstention, vainqueur par chaos
Juan - Blogueur associé | Lundi 08 Juin 2009
Le désarroi des citoyens français n'a d'égal que la désolation du paysage politique révélée par les élections européennes. Seul à danser sur les décombres, le président de la République est désormais sans rival sérieux.
A l'issue du scrutin européen, on ne pouvait faire qu'un constat: le paysage politique est désolant tant il est figé et contradictoire. En France, l'UMP arrive en tête avec 27,87% des suffrages, 29 députés qui rejoindront les 296 conservateurs du PPE à Strasbourg. Les socialistes arrivent péniblement seconds avec 16,48%, 14 députés dans un groupe rétréci à 182 sociaux-démocrates européens. Europe Écologie a créé la surprise avec ses 16,28% des voix, 14 députés également au sein d'un groupe de 48 Verts européens (et non 60 comme initialement annoncé). Le Modem hérite de 6 députés, pour 8,45% des suffrages, et s'intègrera au groupe libéral (80 députés). Le Front de Gauche, avec ses 6,05% des voix, ne gagne que 5 députés, dans un futur groupe de la gauche radicale de 31 députés. Le Front National sort 3 députés, Libertas un seul, et devraient rejoindre les souverainistes européens (53 députés).
L'abstention victorieuse, des institutions délégitimées
Si les médias ont fait leurs choux gras du taux élevé d’abstention en Europe (et en France), rares ont été ceux qui ont analysé l'abstention et ses motivations. En 1979, l'abstention n'était que de 37%. L'UMP, toute victorieuse qu'elle est, ne pèse que 11% des inscrits. Le Parti Socialiste ou Europe Écologie à peine 6% ... Faut-il débattre encore longtemps du « sentiment européen » ?
Les classes populaires, les premières victimes de la crise, ont très peu voté. Dans le Nord Pas de Calais, la participation fut inférieure à 40%, soit 10 points de moins qu'à Paris.
Pourquoi donc ce refus de voter ? Une raison peut être trouvée dans les dysfonctionnements institutionnels de l'Union Européenne : le conseil des chefs d'État conserve un rôle prépondérant, aux détriments du Parlement ; le mode d'élection lui-même des députés européens diffèrent d'un pays à l'autre. La faible lisibilité des groupes parlementaires à Bruxelles et Strasbourg décourage les votes.
Comme le notait un commentateur sur le blog Sarkofrance, si l'élection européenne avait été réellement proportionnelle, la répartition des députés aurait été quelque peu différente : 5 pour l'extrême gauche (contre zéro), 29 pour la gauche (contre 33), 7 pour le Centre (contre 6), 26 pour la droite (contre 30), 5 pour l'extrême droite (contre 3).
Les partis nationaux défendent des positions vagues sur des thèmes généraux (l'Europe sociale, l'environnement, plans de relance, etc.) au lieu de s'engager sur des propositions concrètes.
Un dernier motif de découragement peut être trouver du côté du Traité de Lisbonne : tous les pays européens, sauf l'Irlande, ont avalisé le Traité de Lisbonne sans passer par la voix référendaire. En France, les nonistes de 2005 ont pu être dégoûtés d'avoir été exclus de la décision concernant le Traité de Lisbonne, malgré leur refus référendaire du Traité constitutionnel en mai 2005.
Finalement, le désarroi démocratique devrait interroger la gauche. L'UMP s'en sortira bien évidemment. La présidence française de l'UE a contribué à dévaloriser le rôle du Parlement, en privilégiant les réponses nationales décidées par les chefs d'État, plutôt qu'une réponse globale et protectrice votée au Parlement. CQFD.
Sarkozy s'en sort, mais pas son camp
Le chef de l'État a habilement solidifié son camp, tant grâce aux thèmes évoqués (l'insécurité et l'immigration) qu'à sa stratégie de campagne : des listes tardives, peu d'engagements précis sur les sujets européens du moment, et une concentration des messages sur le soi-disant succès de la présidence française l'an dernier ; les belles photos avec Angela Merkel et Barack Obama ont complété le tableau. Même sur la réélection de José-Manuel Barroso, l'UMP n'ose pas se dévoiler.
Pourtant, la droite française est en miettes. Les listes Sarkozy ont obtenu l'un des plus faibles scores européens. L'UMP ne dispose de surcroît d'aucune réserve de voix. Et le Front National refait surface avec près de 6,34% des suffrages. Lundi matin, Rachida Dati a eu beau expliquer que l'électorat s'est dispersé, elle n'a convaincu qu'elle même. Autre sujet, le remaniement ministériel. Michel Barnier et Rachida Dati vont donc quitter leurs postes au gouvernement, respectivement à l'Agriculture et à la Justice. L'un abandonne la crise du lait. L'autre va faire oublier son incompétence. Reste que le gouvernement sera donc remanié. Il y a quelques semaines, on spéculait beaucoup. Maintenant, il faut passer aux actes. La question se pose aussi pour Brice Hortefeux, finalement élu. Enfin, le joli succès d'Europe Écologie pourrait enterrer l’hypothèse Claude Allègre.
La gauche en recherche de leader et de programmes
La situation du Parti Socialiste et du Parti Communiste est inverse. Ces deux partis ont raté leur élection européenne mais disposent d'une implantation locale et nationale très forte. Le vote utile n'a pas joué en faveur du PS. Les socialistes ont un enjeu programmatique : ils sont fortement concurrencés sur tous les thèmes. Le Congrès de Reims s'est abusivement concentré sur la question des alliances avec le Modem ou avec la Gauche de la Gauche, alors qu'il aurait traité d'idées. On peut tendre la main aux électrices et électeurs centristes sans embrasser François Bayrou. Au lieu de quoi, la direction socialiste, Benoît Hamon en tête, a gauchisé son discours pour découvrir, le soir du 7 juin, que son flanc gauche reste minuscule ... Le Front de gauche (6,05%), le NPA (4,88%) et Lutte Ouvrière (1,2%) n'ont pas réussi à s'entendre. Leur score global (12%) reste faible mais aurait pu faire la différence en cas d'union.
L'écologie, vainqueur sans parti
Europe Écologie est un rassemblement sans organisation. Les Verts n'affichent qu'une dizaine de milliers de militants, José Bové n'a aucun relais institutionnel, et les supporters de Nicolas Hulot restent « a-politiques ». Comment traduire une victoire électorale en longévité politique ? Cécile Duflot a expliqué que ces résultats devaient conduire les Verts français à beaucoup de modestie.
Le Modem étouffé par Bayrou
François Bayrou et ses proches ont reconnu avoir échoué lors de ce scrutin (8,45%). Le Modem n'a d'autre issue que de lever l'hypothèque présidentielle de son leader. Bayrou a trop concentré son discours sur la défense des libertés publiques et démocratiques : indépendance des médias, nuisance des sondages, fonctionnement des institutions, les thèmes les plus mis en avant par la campagne centriste ont été jugés hors sujets par les électeurs, qu'ils aient voté ou pas. Un sondage sorti des urnes, réalisé par la Sofres, révélait que les abstentionnistes ont fait plus largement défaut au Modem, au NPA et au FN qu'aux autres partis.
Cette désorganisation générale ne sert qu'une personne, Nicolas Sarkozy. Sans rival à droite et à gauche, il conserve l'avantage.
Extraits
« On notera, puisque le Figaro et TF1 ne le feront pas, que plus des deux tiers des suffrages exprimés se sont portés sur des listes opposées à Nicolas Sarkozy (et sans possibilité d'alliance éventuelle si les scrutins étaient à deux tours) : gauche, Modem, Front National. Qui continuera d'appeler "majorité présidentielle" les représentants au parlement français d'un camp qui pèse moins que 30% des suffrages ? Sur France 2, dimanche soir, Rachida Dati s'est félicitée du succès "historique" de la droite (depuis 1979). François Fillon, vers 20h20 a centré son discours sur le résultat de l'UMP, louant l’action de la présidence française de l’Union Européenne "sous l'autorité du Président de le République". En 4 minutes de discours, le premier ministre n'a pas prononcé un mot sur le record d'abstention: "J'ai confiance dans le génie de notre nation."[…] »