LA CLASSE OUVRIÈRE ET LE PCF

Publié le par alain laurent-faucon




Poursuivons ce vaste tout d'horizon sur la « classe ouvrière », devenue aujourd'hui « invisible » dans les discours politiques comme dans les médias, en nous focalisant sur l'attitude du parti communiste français (PCF) vis-à-vis du monde ouvrier. De nos jours, constate La Croix, « le parti communiste lui-même ne cultive plus son ancrage ouvrier ». Et à la question que lui posait Mathieu Castagnet, le journaliste de La Croix [1] - les ouvriers sont-ils devenus des électeurs comme les autres ? -, Florent Gougou, enseignant à Sciences-Po Grenoble, répondait alors :

 



« Il y a un mythe qui voudrait qu’un ouvrier vote à gauche ou devrait voter à gauche. En fait, comme tous les autres électeurs, ils sont sensibles à leur tradition familiale, aux enjeux de chaque élection. Ce qui était spécifique, il y a quarante ans, c’était une certaine culture ouvrière, avec des forces d’encadrement politique et syndicale fortes, qui poussaient l’électorat ouvrier à voter à gauche. La disparition de la culture de classe a emporté cela. Ensuite, la grande spécificité du vote ouvrier, pendant la période Le Pen entre 1988 et 2007, cela a été le vote FN. Du côté de l’extrême gauche, aussi, on trouve un peu plus d’ouvriers que dans le reste de l’électorat. Aujourd’hui, il semble se passer un mouvement autour d’Olivier Besancenot qui a récupéré une grande partie de l’électorat ouvrier qui votait auparavant pour Arlette Laguiller. »



 

Puis, répondant à une autre question du journaliste: « La désaffection des ouvriers est-elle la principale cause du déclin du PCF ? », Florent Gougou notait :



« Le PCF a toujours un électorat extrêmement ouvrier. Aux belles heures du communisme, 70 % des électeurs communistes étaient des ouvriers. Dans ces conditions, évidemment, leur désaffection a joué un rôle important dans le déclin du PCF. Mais il ne faut pas croire qu’il n’y a que les ouvriers qui ont quitté le PCF et que les intellectuels sont restés. Ce sont toutes les catégories qui se sont éloignées progressivement du PCF lorsque son image s’est dégradée au fur et à mesure de la fin des mythes sur le communisme dans les pays de l’Est.

 


Enfin, à la question : « Parmi les 577 députés, on trouve nombre de médecins, de fonctionnaires, mais un seul ouvrier du secteur privé. Comment l’expliquer ? - Florent Gougou répondait :


 

« Le déclin du PCF explique pour une large part l’absence d’élus ouvriers à l’Assemblée. Historiquement, c’est le parti qui faisait le plus d’efforts de promotion, de formation en faveur de ces catégories pour les faire accéder aux mandats nationaux. Cela a été le cas jusqu’aux années 1970. Ensuite, il semble que cette génération n’a pas su transmettre cet héritage à la génération ouvrière suivante. Le PCF, en crise, a alors du mal à promouvoir des ouvriers tandis que le vote ouvrier se détache petit à petit du PCF pour se porter vers des formations qui attachent sans doute moins d’importance à la représentation des ouvriers. Tout cela a contribué à l’extinction progressive du nombre d’élus réellement issus du monde ouvrier. »



Outre l'article de La Croix sur le fait que le PCF ne cultive plus son ancrage ouvrier, je vous propose un « tchat », organisé et mis en ligne par le Monde, entre Stéphane Gatignon, maire PCF de Sevran et des internautes. Cette discussion est, elle-aussi, fort instructive. A aucun moment il n'est question du monde ouvrier et de la classe ouvrière. Pour Stéphane Gatignon le problème actuel du PCF est « de savoir à quoi peut servir le Parti communiste, donc de quel projet de société il est porteur ». Et il poursuit en ces termes :



 
« Toute la discussion du congrès a montré que le parti vivait hors la société. Son texte de résolutions ne part pas des problèmes que nous vivons aujourd'hui : la crise du système libéral, et des problèmes de société qu'elle génère. »


 

Tout est dit et renvoie à l'article du journal La Croix et à ses constats. De nos jours, les centres d'intérêt du PCF sont « la crise du système libéral et les problèmes de société qu'elle génère ». Exit la classe ouvrière. D'ailleurs, un seul et unique internaute a, de son côté, parlé de la « base ouvrière ». Mais l'expression n'a même pas été relevée ni reprise par Stéphane Gatignon.

Pour le maire PCF Stéphane Gatignon, il y a simplement « un problème de générations, comme dans toute la société », voilà pourquoi « les nouvelles questions sociétales peuvent heurter les plus anciens ». Puis il recadre le débat sur la question du projet : « Il faut débattre de tout ça pour faire avancer l'ensemble des communistes. On en revient là à la question du projet ».

Exit une nouvelle fois la classe ouvrière.

Enfin, à la question d'un internaute : « Que pensez-vous de l'incapacité du Parti communiste à atteindre à nouveau le chiffre fatidique des 5 % de l'électorat français ? », Stéphane Gatignon ne répond rien de concret et, surtout, évite d'évoquer ces classes populaires – ouvriers et habitants des « quartiers » – sur lesquelles le PCF n'a plus aucune emprise. Et, bien sûr, le maire PCF de Sevran ne se pose même pas la question de savoir pourquoi – puisqu'il élude le problème de l'ancrage posé par la question.


Maintenant c'est à vous de lire et questionner les articles proposés pour instruire et développer vos propres réflexions. Comme toujours je vous soumets simplement des pistes de recherche, étant entendu que vous, lectrices et lecteurs, devez absolument penser par vous-mêmes. A noter cependant : tous les textes soumis à votre analyse doivent être pensés comme des documents-archives du temps présent. Au même titre que les ouvrages des sociologues qui ne sont, et c'est déjà beaucoup, que la radioscopie, à un instant donné, des faits sociaux observés.


NOTE :

[1] Cf. LA CLASSE OUVRIÈRE AUJOURD'HUI




DOSSIER DU JOURNAL « LA CROIX »



La Croix - 12/12/2008



Qu’est devenue la classe ouvrière ?


- suite et fin -




Le Parti communiste français

ne cultive plus son ancrage ouvrier




Le PCF a perdu son hégémonie électorale dans le monde ouvrier et n’y recrute plus ses principaux dirigeants


Difficile de ne pas y voir un symbole. Réuni depuis jeudi 11 décembre pour son 34e congrès, le PCF a choisi pour la seconde fois, après 1997, de se retrouver au beau milieu du quartier d’affaires de la Défense. Un congrès dans un fief de cols blancs, loin de terres ouvrières qui faisaient jadis la force et la fierté du Parti communiste, lui apportant des suffrages par millions, des militants par milliers et des cadres par centaines.

Dans le projet politique discuté au congrès, « la base commune » en jargon communiste, le mot même d’ouvrier a quasiment disparu. Il n’apparaît qu’à une seule reprise au long des 25 pages du document et c’est justement pour assurer que le PCF n’entend plus « courir après la conscience de classe telle qu’elle s’exprimait dans la culture ouvrière d’antan ». Au contraire, le PCF rappelle son ambition d’unifier « ouvriers, techniciens, employés ou cadres, femmes et hommes salariés de toutes catégories, précaires, intellectuels, travailleurs sans papiers, sans emploi, paysans, étudiants, retraités ».

Pour Roger Martelli, historien et membre de la direction du PCF, ce discours n’a rien de surprenant. « Le Parti communiste s’est toujours pensé comme celui de toutes les catégories populaires, s’inscrivant dans l’espace plébéien plutôt que simplement ouvrier. » À la différence, toutefois, que, il y a trente ans, les ouvriers représentaient les gros bataillons de ce monde « plébéien » par leur nombre et leur organisation. Et que le PCF était hégémonique dans cette catégorie perçue comme le « fer de lance » du parti révolutionnaire. « Ensuite, constate l’historien, le PCF n’a pas pris la mesure des transformations dans le monde ouvrier et une coupure s’est installée. »


« Nous avons mis la classe ouvrière entre parenthèses »


Seul député issu du monde ouvrier, Maxime Gremetz a une lecture différente de ces évolutions. Pour lui, la « mutation » commencée avec Robert Hue a sciemment coupé le PCF des ouvriers. « Depuis dix ans, nous avons mis la classe ouvrière entre parenthèses. On a affadi le discours pour aller chercher les bobos. On a voulu devenir un parti comme les autres en pensant que la classe ouvrière nous était acquise et qu’on pouvait s’élargir. Voyez où cela a mené ! », fustige l’élu de la Somme, en rupture avec la direction de son parti.

Cet éloignement du monde ouvrier se traduit évidemment dans les urnes, où le PCF n’est plus depuis longtemps le parti préféré des ouvriers. Il se vérifie aussi par un changement à l’intérieur même du parti. Dans les années 1970, plus de la moitié des délégués au congrès étaient issus du monde ouvrier, rappelle Roger Martelli.

En 2002, ils ne sont plus que 10 % d’ouvriers, assure le sociologue Julian Mischi [1], alors que « les membres des couches moyennes salariées cantonnées jusqu’ici aux échelons locaux accèdent aux postes dirigeants désertés par les militants d’extraction ouvrière ». Entre les changements profonds du monde ouvrier, le recul de l’engagement politique ou syndical et la coupure avec la CGT, « le vivier ouvrier dans lequel le PCF recrutait ses cadres s’est réduit », plaide Roger Martelli.

Dans les plus hautes sphères du parti , l’évolution se voit désormais de façon criante. « Quand j’étais à la direction, il y avait à coté de moi une majorité d’ouvriers », se rappelle Maxime Gremetz, citant parmi les figures d’alors Benoît Frachon, Georges Séguy ou Georges Marchais. Aujourd’hui, les responsables du PCF affichent un parcours bien différent. Robert Hue était infirmier. Marie-George Buffet a débuté sa carrière dans les collectivités gérées par le PCF. Son futur successeur, Pierre Laurent, est journaliste et patron de L’Humanité. Olivier Dartigolles, l’actuel porte-parole et figure de proue de la nouvelle génération, a commencé comme professeur d’histoire. Pas vraiment des nantis, mais tous des cols blancs.


Mathieu CASTAGNET


[1] Note sur Le PCF et les Classes populaires, publiée par la Fondation Gabriel-Péri.



Profil des militants communistes


Selon les chiffres de la direction du PCF, le parti compte actuellement quelque 134.000 adhérents. Parmi ceux qui exercent toujours une activité professionnelle, seuls 15 % sont des ouvriers. Les employés sont 18 %, les agents de maîtrise 13 %, les ingénieurs techniciens et cadres 21 % et les enseignants 14 %. La « désouvriérisation » est donc nette par rapport aux années antérieures. Dans leur ouvrage Que reste-t-il du PCF (éd. Autrement), les politologues Marie-Claire Lavabre et François Platone rappelaient que, en 1997, les ouvriers représentaient encore presque un tiers du PCF. En 1979, près de la moitié : « 46,5 % des communistes étaient ouvriers. » Le PCF revendiquait alors … 700.000 adhérents.





Chat



Stéphane Gatignon :

"Le mythique Parti communiste est mort"



LEMONDE.FR | Jeudi 11.12. 08 | Mis à jour le 12.12.08



Lors d'un chat sur Le Monde.fr, Stéphane Gatignon, le maire PCF de Sevran (Seine-Saint-Denis), auteur de A ceux que la gauche désespère (Cherche-Midi), revient sur les enjeux du congrès du Parti communiste, qui s'ouvre jeudi 11 décembre, dans un climat de division.


QUESTION : Quand un parti ne représente plus que 2 % du corps électoral, ne peut-on envisager qu'il cherche à se regrouper avec d'autres partis de gauche ?

Stéphane Gatignon : Quel est le problème ? Un parti qui a 2 % a-t-il une raison d'être ? Ou n'a-t-il pas le droit de se regrouper en coalition ? Si c'est se regrouper avec d'autres, même un parti à 2 % peut le faire. La question est de savoir pourquoi on se regrouperait avec d'autres.

QUESTION : Pourquoi le Parti communiste ne réussit pas à s'allier avec l'extrême gauche ?

Stéphane Gatignon : Qu'est-ce qu'on entend par extrême gauche ? Le rôle et l'histoire du Parti communiste et des communistes est de transformer la société. S'allier à l'extrême gauche uniquement dans un vision de contestation ne règle nullement cette question. Une vision uniquement de "pureté révolutionnaire" nous conduirait tout droit à ce que Lénine définissait dans son ouvrage La maladie infantile du communisme : le gauchisme. Je vous conseille de le relire.

QUESTION : Le PCF n'est-il pas complètement sous perfusion du Parti socialiste ? A-t-il un avenir tout seul ?

Stéphane Gatignon : Oui, dans son alliance de type union de la gauche, le Parti communiste est sous perfusion du Parti socialiste. Le nombre d'élus communistes élus grâce au PS est là pour en attester. La question aujourd'hui n'est pas de savoir si c'est une alliance avec le Parti socialiste qu'il faut, mais de savoir à quoi peut servir le Parti communiste, donc de quel projet de société il est porteur.

QUESTION : Que peut-on attendre concrètement de ce congrès ? Marie-Georges Buffet parlait ce matin de "solutions du XXIe siècle". Or le discours du PCF, les solutions qu'il propose, sont les mêmes depuis des décennies. Qu'en pensez-vous ?

Stéphane Gatignon : Toute la discussion du congrès a montré que le parti vivait hors la société. Son texte de résolutions ne part pas des problèmes que nous vivons aujourd'hui : la crise du système libéral, et des problèmes de société qu'elle génère.

Concrètement, je n'attends pas grand-chose du congrès, d'autant plus que la direction a décidé d'écarter ceux qui n'étaient pas d'accord avec elle et de passer un accord avec les plus orthodoxes des communistes en France. Si la solution du XXIe siècle est dans une vision passéiste des choses, ce congrès est mal parti.

QUESTION : Camarade, tes positions - le parti est foutu - sont connues à l'intérieur du parti, donc es-tu le mieux placé pour répondre à la question "Le PCF a-t-il un avenir ? "

Stéphane Gatignon : La crise actuelle nous fait passer, violemment, du XXe siècle au XXIe siècle. Les communistes doivent être acteurs de ce XXIe siècle. Pour cela, ils doivent travailler un nouveau projet qui propose une nouvelle société. Le parti en tant qu'outil n'est pas une fin en soi pour répondre à la question : "socialisme ou barbarie ?"

QUESTION : Etes-vous d'accord avec l'option unitaire des "communistes unitaires", à savoir le rassemblement de la gauche antilibérale ? Que proposez-vous ?

Stéphane Gatignon : La question qui nous est posée aujourd'hui est bien plus importante qu'un simple rassemblement de courants ou de partis. La question qui nous est posée aujourd'hui est celle de la société que l'on construit demain.

La droite et le Medef ont une vision de société pour l'avenir, la gauche dans sa globalité n'en a pas. Le rôle des communistes est donc de travailler à l'émergence de cette nouvelle société. En résumé, ce qui est plus important aujourd'hui, c'est le projet et non la structure.

QUESTION : Marie-Georges Buffet dit que les opposants internes feraient mieux de lutter à l'intérieur du parti ... vous en pensez quoi ?

Stéphane Gatignon : Depuis 1920, et même du temps de Hue, ceux qui n'étaient pas d'accord n'avaient pas voix en interne. Aujourd'hui même, l'épuration idéologique menée par la direction montre que le parti est incapable de gérer une démocratie interne.

J'entends par "épuration idéologique" le fait que lors des conférences fédérales, ceux qui n'étaient pas d'accord, notamment les communistes unitaires, ont été écartés des instances dans les départements et au niveau national.

QUESTION : Pensez-vous que le PCF devrait renouer avec les principes marxistes ou bien les abandonner définitivement ?

Stéphane Gatignon : Pour moi, ce n'est pas une question de renouer ou d'abandonner, mais de penser autrement que de façon dogmatique. J'entends par là l'utilisation du marxisme-léninisme comme catéchisme. C'est la vision stalinienne qui a fait que le marxisme est devenu un dogme.

QUESTION : Franchement, n'est pas temps pour le parti communiste de changer de nom ?

Stéphane Gatignon : Il ne suffit pas de changer de nom, il faut changer la structure, le mode de fonctionnement, et se mettre à travailler sur le fond. Il est absolument nécessaire aujourd'hui de travailler sur le fond avant de créer la structure.

QUESTION : Que pensez-vous du parti de Mélenchon ?

Stéphane Gatignon : C'est une réponse de la gauche de gouvernement à la question Besancenot. L'alliance PC-PG est là pour prendre des voix au NPA, c'est son utilité pour le Parti socialiste.

QUESTION : Le libéralisme social prôné par les jeunes du PCF (adoption par les couples gay, réforme de la législation des drogues, régularisation des clandestins...) n'est-il pas en contradiction avec l'opinion des militants plus âgés et la base ouvrière ?

Stéphane Gatignon : Il y a un problème de générations, comme dans toute la société. Les nouvelles questions sociétales peuvent heurter les plus anciens. Il faut débattre de tout ça pour faire avancer l'ensemble des communistes. On en revient là à la question du projet.

QUESTION : On a l'impression que le PCF ne se bat plus pour le communisme mais contre le système libéral. A quand le retour aux sources ?

Stéphane Gatignon : "Le communisme, qui boira le lait de sa rivière ?" (Maïakovski) Les communistes, avec d'autres, doivent participer à l'émergence d'un nouveau projet de société, doivent donc travailler dans un premier temps à l'analyse de la société dans laquelle nous vivons pour proposer ce projet. Il n'y a qu'ainsi que nous pourrons être "pour" autre chose. La direction du PC nous conduit à l'impasse d'être contre tout.

QUESTION : En quoi consiste, pour le parti, le travail de fond que vous évoquez ?

Stéphane Gatignon :  1) Analyser la société dans laquelle nous vivons. 2) Dans cette analyse, ne pas oublier les affres du socialisme réel. 3) Construire un nouveau projet en ayant un autre rapport au mouvement social que la simple vision de courroie de transmission. Ainsi, politiques, syndicalistes, élus, associatifs, universitaires pourront travailler ensemble à la constitution de ce projet. 4) Cela doit permettre de créer un mouvement en rassemblant autour du projet. Ainsi, nous romprons avec l'immobilisme et pourrons partir à la conquête du pouvoir.

QUESTION : Y a-t-il un parallèle à faire entre le congrès de Reims du PS et la situation du PC ? Qu'arrive-t-il à la gauche ?

Stéphane Gatignon : Oui, parce que la gauche est globalement en crise. Là encore, c'est le XXe siècle qui tourne sa page. La social-démocratie est en crise parce qu'elle n'offre plus de perspectives à la société. Le Parti communiste est en crise parce que dans la même situation, avec de surcroît la fin du socialisme réel. Le trotskisme est en crise parce que le stalinisme est mort et que cette mort n'a pas conduit à des nouvelles sociétés "d'un communisme idéal". Toute l'analyse théorique et politique de ces formations est donc en échec.

QUESTION : Ne devons-nous pas profiter de cet espace politique laissé par le PS sur sa gauche ?

Stéphane Gatignon : Oui, mais là encore, l'enjeu est de travailler à l'émergence d'un projet de société. Parce que la place laissée par le PS ne peut être simplement comblée structurellement, elle doit l'être politiquement.

QUESTION : Après les échecs des sociétés communistes (URSS, Chine, Cuba, etc.) pourquoi continuer à vouloir garder le nom "communiste". L'idéal que ce nom représentait à l'origine a été bafoué par tous les crimes d'Etat des pays qui s'en réclamaient. Alors pourquoi conserver ce terme ?

Stéphane Gatignon : Ce terme ne recouvre pas que les millions de morts de "Staline" ou de Mao. C'est également une vision de la société, de la mise en commun des choses qui est essentielle pour l'avenir de l'humanité.

QUESTION : Que pensez-vous de l'incapacité du Parti communiste à atteindre à nouveau le chiffre fatidique des 5 % de l'électorat français ?

Stéphane Gatignon : Le mythique Parti communiste est mort. Pour le Parti communiste, être un groupuscule n'est pas dans ses gènes. Le Parti communiste en France, son histoire, sa culture, en font un parti de participation à la gestion, qu'elle soit locale ou nationale. En France, le Parti communiste a toujours géré sa fonction tribunicienne avec sa fonction de gestionnaire.

QUESTION : Peut-on dire, à suivre les derniers mouvements internes que la tradition stalinienne du centralisme démocratique puisse encore avoir de la crédibilité ?

Stéphane Gatignon : Cette tradition est une culture, chez nous. L'enjeu aujourd'hui est de savoir si le parti est capable d'évoluer, de se transformer, bref, de se dépasser. C'est un enjeu central pour la gauche en France, parce que les communistes ont encore un rôle à jouer. Ainsi, je parlais tout à l'heure de projet et de dynamique sociale et collective à créer autour de ce projet.

On peut garder l'espoir en voyant ce qui s'est passé en Amérique latine, avec des regroupements politiques autour de projets de société qui ont permis la création de dynamique sociale et collective regroupant des militants politiques (communistes, sociaux-démocrates, trotskistes...), syndicalistes, et surtout des minorités-majorités ethniques (les Indiens) tenues jusqu'alors à l'écart de la société et qui se sont engagées et ont permis les victoires électorales en Bolivie, en Equateur ou au Brésil. C'est pour ça que je garde espoir !

QUESTION : Ne pensez-vous pas que le parti ait vocation à ne plus vivre que localement et puisse à terme devenir une composante du PS ?

Stéphane Gatignon : Aujourd'hui, le Parti communiste joue ce rôle-là. Notre souci, localement, c'est que nous n'avons pas de réponse aux problèmes auxquels tant les élus que les citoyens sont confrontés. Les inégalités de territoire n'ont jamais été aussi importantes ; les problèmes économiques et sociaux de même ; et aucune impulsion n'est donnée au travail sur une question centrale pour l'avenir : la culture commune.

Il nous faut donc travailler un projet, organiser la bataille des idées à gauche pour qu'une gauche de transformation sociale émerge et gagne cette bataille des idées. C'est la seule issue aujourd'hui pour battre Sarkozy. Nous ne battrons pas Sarkozy par un simple vote contre ce personnage. Nous battrons Sarkozy par un projet et l'émergence d'une dynamique collective autour de ce projet.

C'est pourquoi j'ai proposé que la gauche organise des primaires. Dans ces primaires, toutes les sensibilités et les cultures de gauche pourront s'affronter. Il n'y a que comme ça qu'une gauche de transformation sociale peut battre une vision plus sociale-libérale. Il n'y a que comme ça que nous battrons Sarkozy. Nous devons tout faire pour que cette gauche de transformation sociale devienne hégémonique culturellement et victorieuse politiquement !


Chat modéré par Abel Mestre et Nabil Wakim


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