ESCLAVAGE ET RÉCIT NATIONAL

Publié le par alain laurent-faucon



Après une longue occultation de certains épisodes dramatiques de notre histoire coloniale, les revendications actuelles portent sur une "réécriture du récit national" qui prendrait en compte les mémoires "raturées" (Edouard Glissant).

 


DOSSIER DE PRESSE


 

Quand le récit national est fragmenté par la mémoire de

l'esclavage


 

Le Figaro – 10 mai 2006 – Opinions - Michel Wieviorka – Sociologue, directeur d'études à l'EHESS, auteur de La Tentation antisémite (Robert Laffont) et de La Violence (Balland)

 

Comme de nombreuses autres sociétés dans le monde, la nôtre est travaillée depuis la fin des années 60 par la poussée de toutes sortes d'identités particulières qui demandent à être reconnues dans l'espace public, et dont certaines – mais pas toutes – se constituent à partir de revendications mémorielles.

D'emblée, les premières manifestations concrètes de ce phénomène ont interpellé directement, et tout à la fois, la nation et la République. Les unes, notamment occitane, bretonne, et, un peu plus tard, corse avaient une dimension territoriale, reprochant alors à l'Etat français de s'être construit en malmenant, voire en détruisant les cultures régionales. D'autres étaient portées par des minorités sans ancrage territorial particulier : Juifs demandant à la France d'admettre officiellement ses responsabilités historiques durant la Deuxième Guerre mondiale, et devenant de plus en plus visibles dans la vie publique, dès cette époque, Arméniens, dont le « réveil » a pris d'abord un tour terroriste, avec de vives sympathies pour les attentats de l'Asala, avant de devenir une pression politique pour la reconnaissance du génocide de 1915. Puis sont venus d'autres expressions de cette poussée, à la fois identitaire et ménorielle, pour que soient reconnus les torts passés de la nation dans la traite négrière, l'esclavage, le colonialisme, les violences de la décolonisation, et que soient combattues les logiques qui les prolongent aujourd'hui, sous la forme principale du racisme et des discriminations.

Au départ, le cadre de l'Etat-nation, et même de l'Hexagone, suffisait pour penser ces mobilisations, soucieuses, sur des bases plus ou moins réalistes, de transformer le récit national au nom d'un passé nié, occultés, ou malmené. Mais, aujourd'hui, s'imposent des analyses « globales », articulant dimensions planétaires et ancrage national des revendications. Les Arméniens de France, par exemple, visent en fait la Turquie, qui elle-même n'est pas inactive dans le débat français ; et tout ce qui touche à l'esclavage ou à la colonisation présente non seulement des aspects liés à ce qui subsiste de l'Empire français, mais aussi d'autres, renvoyant à diverses migrations, par exemple venues d'Afrique subsaharienne, ou bien encore à l'islam.

Parmi les acteurs impliqués dans ces enjeux, examinons d'abord les groupes qui les soulèvent. Ils ont leurs idéologues, parfois capables de rigueur historique, mais pas nécessairement. La mémoire, en effet, n'en est pas toujours une, elle peut être adossée sur une argumentation mythique, lourde éventuellement de haine et de ressentiments, que quelques vagues références liées au passé viennent lester, pour finalement pervertir l'histoire, ou en tout cas la figer plutôt que de l'améliorer. C'est pourquoi, par contraste, il convient, par exemple, de prendre au sérieux l'action du Cran (Conseil représentatif des institutions noires de France), qui fédère plusieurs centaines d'associations et s'entoure de chercheurs, et notamment d'historiens professionnels.

Ces groupes sont tous plus ou moins tiraillés, en leur sein, par des logiques éventuellement conflictuelles, voire contradictoires : il n'est pas facile, par exemple, d'intégrer dans une même action « noire » des descendants d'esclaves antillais et ceux d'anciens colonisés africains dont les ancêtres ont peut-être contribué, en amont, à la traite négière. Un cas important, aux enjeux immenses, où une même histoire est portée par des groupes aux mémoires fragmentées, et hautement antagonistes, est donné par tout ce qui touche au passé algérien : enfants d'immigrés dont les parents ont appartenu au FLN, au MNA ou ont été harkis, descendants de Juifs d'Algérie, de pieds-noirs, soldats du contingent, etc. dessinent un ensemble qui est tout sauf intégré, et qui ne pèse assurément pas sur l'histoire dans une seule et même direction.

Ces groupes, que porte un mélange de revendications mémorielles et de luttes contre le racisme, la xénophobie ou l'intolérance religieuse, se constituent au départ en tant que victimes, passées et présentes ; ils encourent toujours le risque de s'enfermer alors dans une identité négative, d'être incapables de se projeter vers l'avenir, de mettre en avant l'idée d'un apport à la vie de la Cité, qu'il soit culturel ou autre – ce qui aboutit aussi à déresponsabiliser chacun de leurs membres.

Deuxième acteur important : les historiens professionnels. Leur mobilisation actuelle, notamment pour que la vérité historique soit de leur ressort, et non de celui des politiques, est tout à fait utile. Mais comment se fait-il qu'il ait été possible à des gouvernements ou des Parlements de les déposséder de cette responsabillité ? Dans certains cas, il faut faire l'hypothèse que l'historiographie française n'a pas su se saisir suffisamment tôt, ou massivement, des enjeux qui alimentent les luttes mémorielles. Il a fallu un Michael Marrus et Robert Paxton, l'un canadien, l'autre américain, par exemple, pour que soit véritablement lancé le débat en France sur Vichy et les Juifs.

Si des historiens se sentent obligés de pétitionner pour que leur discipline retrouve sa place, c'est certainement pour des raisons de fond, et qui tiennent à son statut même. Jusqu'à peu, l'histoire était profondément associée au récit national, même si certains historiens, les fondateurs de l'Ecole des Annales notamment, avaient pris leurs distances. Les demandes mémorielles, lorsqu'elles sont adossées à un passé réel, mettent toujours en cause le récit national, en même temps qu'elles s'inscrivent dans un paysage géopolitique qui déborde le cadre de l'Etat-nation. Elles participent dès lors de processus qui contribuent à affaiblir la légitimité de la discipline, par exemple en ce qui a trait à sa place à l'école, où elle cesse d'être portée par une identification à la nation, dans ce que celle-ci peut avoir de plus sacré.

L'examen du comportement des autres acteurs impliqués dans ces questions, celui par exemple des rsponsables politiques, confirmeraient aisément le sens général des remarques qui précèdent. Dans le passé, notre nation faisait l'histoire, en oubliant ses torts, et l'école républicaine intégrait tous les enfants dans le récit national. Aujourd'hui, la nation est mise en cause au fil des débats qui en débordent le cadre classique, et la République peine à intégrer tous les individus au seins d'une communauté égale, solidaire, et cimentée par un seul et même récit historique. Nous ne répondrons à de tels défis ni en rejetant systématiquement les mémoires au nom de la nation et de la République menacées, ni en cédant aux plus actives ou aux plus agressives d'entre elles. Mais en lançant les chantiers de recherche historiques nécessaires, en examinant avec les instruments de la raison les demandes mémorielles lorsqu'elles surgissent et en repensant la relation de l'histoire et de la nation.

 

 



Les grands oubliés du récit national


LE MONDE | Article paru dans l'édition du 10.05.06

Pour la première fois, cinq ans après l'adoption, le 10 mai 2001, d'une loi reconnaissant la traite et l'esclavage pratiqués par les pays européens du XVe au XIXe siècle comme un "crime contre l'humanité", la France célèbre officiellement la mémoire de la multitude d'hommes qu'elle a asservis et exploités dans ses colonies des Antilles et de l'océan Indien.

Cette commémoration intervient alors que le débat sur le passé colonial et esclavagiste de la France fait rage : pétition des "indigènes de la République", contestation des célébrations du bicentenaire de la bataille d'Austerlitz au nom du souvenir du rétablissement par Bonaparte de l'esclavage, mises en cause de l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau, accusé de révisionnisme...

La confrontation des idées a très vite pris un tour confus, violent et caricatural, et semble empêcher toute analyse sereine de cette histoire longtemps maintenue en dehors du récit national.

C'est cette longue occultation et la violence du "retour du refoulé" que l'on observe depuis plusieurs mois qui constituent le point de départ de Françoise Vergès, auteur de La Mémoire enchaînée. Questions sur l'esclavage. Pour cette historienne, "nous payons le silence et le retard qui ont permis aux discours du complot de s'engouffrer".

En effet, depuis le décret abolissant l'esclavage, le 27 avril 1848, le passé négrier de la France avait été enfoui sous le souvenir de l'abolition. On se glorifiait de cette victoire des Lumières, oubliant de préciser que ce n'est pas la liberté qui succéda à l'esclavage, mais bien le statut colonial : "inclusion dans l'humanité, exclusion du démos français".

Ce discours permettait d'occulter à la fois ce qui précéda et ce qui suivit le moment de l'abolition : une société raciste et inégalitaire, sur les terres de la patrie des droits de l'homme, dont les traces restent visibles dans la société actuelle.

La période esclavagiste, Françoise Vergès le souligne, est difficile à considérer dans son ensemble : mémoires fragmentaires et dispersées, grandes disparités dans l'espace et le temps, absence de témoignages directs... D'où l'importance d'interroger des sources souvent négligées : "Les chants, les rituels aux ancêtres, les langues portent en eux un savoir historique."

Cette démarche est d'autant plus nécessaire qu'après 1848 les anciens esclaves eux-mêmes ont voulu effacer le souvenir de ce qu'ils avaient vécu, concourant ainsi à ce que s'installe la chape de plomb que de nombreuses voix entendent aujourd'hui faire sauter.

Pour Françoise Vergès, ces revendications ne relèvent pas d'un quelconque "communautarisme", mais plutôt de la volonté de "donner droit de cité à une histoire qui est une part centrale de l'histoire de la France". Pour réparer, au moins symboliquement, une "injustice historique" et intégrer les habitants des DOM "à cette "communauté française imaginaire" dont ils ont été exclus jusqu'à aujourd'hui".

On ne peut que souscrire à cette revendication d'une "réécriture du récit national" qui prendrait enfin en compte ces mémoires "raturées" (Edouard Glissant). Mais on regrettera certaines simplifications. Ainsi, la part des esclavagistes d'Afrique noire et du monde musulman dans les traites négrières ne serait que marginale ("il est évident qu'un commerce qui dure plusieurs siècles et met en relation plusieurs mondes et plusieurs économies entraîne des complicités") ; l'histoire de l'esclavage moderne commencerait avec le XVe siècle, et l'esclavage tel qu'il fut pratiqué par les Occidentaux serait radicalement différent des autres formes d'asservissement. Ces affirmations, que d'autres historiens contestent, affaiblissent plutôt la démonstration de Mme Vergès.

Jérôme Gauthere

LA MÉMOIRE ENCHAÎNÉE. QUESTIONS SUR L'ESCLAVAGE de Françoise Vergès. Albin Michel.


Chat

 

Esclavage : commémorer et combattre ?

 

LEMONDE.FR | 04.05.06 | 14h56 • Mis à jour le 10.05.06 | 17h26

L'intégralité du débat avec Françoise Vergès, membre du Comité pour la mémoire de l'esclavage et auteure de "La mémoire enchaînée : Penser l'esclavage aujourd'hui" (Albin Michel, 2006), mercredi 10 mai 2006

QUESTION - Pourquoi avez-vous orienté vos recherches sur le thème de l'esclavage et pourquoi avez-vous accepté d'être membre du Comité pour la mémoire de l'esclavage ? Etes-vous vous même une descendante d'esclave ? En êtes-vous fière ?

Françoise Vergès : Je me suis intéressée à la question dès mon enfance. J'ai grandi à la Réunion, dont l'histoire, la culture, l'environnement, la nature sont héritiers de l'esclavage et du colonialisme. Tous les noms de l'intérieur de l'île sont des noms malgaches, par exemple. On n'en parlait pas du tout à l'école à l'époque. Mais j'étais dans une famille d'intellectuels anticolonialistes, et on m'a expliqué l'histoire. Ensuite, je trouve que repenser la figure de l'esclave et le silence autour de cette figure dans la pensée française est très révélatrice des limites de son universalisme. Et étudier cela, vraiment, est très important pour comprendre des choses présentes : les racines du racisme, les origines des inégalités dans les DOM, les origines aussi des inégalités économiques. Et aussi le dépeuplement de l'Afrique causé par la traite négrière. Toutes ces questions m'ont semblé, à moi qui m'intéresse aux questions de liberté, d'égalité, de justice, importantes. Je ne suis pas directement descendante d'esclaves, mais je suis fière de cette histoire et je suis fière de contribuer à faire connaître cette histoire.

QUESTION - Certains disent que la France n'a de cesse de s'autoflageller et qu'elle n'assume pas son histoire, qu'en pensez-vous ?

Françoise Vergès : Cette histoire, elle l'assume parce qu'il y a eu une mobilisation des descendants d'esclaves, d'associations, de chercheurs, et elle commence tout juste à l'assumer. Assumer, ce n'est pas s'autoflageller, justement. Assumer, c'est étudier les responsabilités dans cet événement. Pour moi, ce n'est pas de l'autoflagellation.

QUESTION - Est-ce que l'Afrique doit être responsable au même titre que l'Europe face à la traite négrière ?

Françoise Vergès : Peut-être pas au même titre. Les responsabilités ne sont pas égales. Il y avait des traites à l'intérieur du continent africain, et des systèmes esclavagistes, mais ce sont les Européens qui sont venus chercher des millions d'Africains pour les déporter de l'autre côté de l'Atlantique. Il y a donc une responsabilité particulière pour l'Europe, responsabilité qui va aussi avec le fait que l'Europe s'est voulue le berceau de la civilisation. Il faut étudier toutes les responsabilités par ailleurs.

QUESTION - Selon l'"Express", au Niger (qui compte à peine plus de 10 millions d'habitants) 800 000 personnes seraient encore propriété pleine et entière d'une personne ou d'une famille.

QUESTION - Commémorer, n'est-ce pas donner l'impression que l'esclavage est derrière nous et ne fait partie que de notre passé alors que l'esclavage moderne est bien une réalité ?

Françoise Vergès : Il faudrait déjà s'entendre sur ce qu'on appelle esclavage moderne. On a parlé de l'esclavage du CPE. Dans les grands textes féministes, on parlait de l'esclavage des femmes dans la société française du XVIIIe siècle. Il y a l'esclavage qu'on appelle colonial, celui que l'Europe organise pour son empire colonial. Les formes actuelles d'esclavage, notamment en Afrique, sont dues à l'extrême pauvreté, ou des choses qui sont restées d'avant. Les familles vendent leur enfant, s'en débarrassent. Mais n'oublions pas que la très grande pauvreté au XIXe siècle, en Angleterre ou d'autres pays d'Europe, ce sont aussi les gens qui se débarrassent de leur enfant pour les faire travailler. Il n'y a qu'à relire Dickens. Il y a donc cet esclavage dont la cause est la grande pauvreté, et cet esclavage dont nous parlons, qui lui s'appuie sur les guerres de razzia pour enlever les gens et les déporter. En commémorant l'esclavage aujourd'hui, cela permet de réfléchir sur les nouvelles formes de servitude.


"UN CRIME CONTRE L'HUMANITÉ"

 

QUESTION - Bonjour Francoise Vergès, c'est Cilas Kemedjio depuis l'université de Rochester aux Etats-Unis. Je suis en train de lire le livre de Petre-Grenuilleau sur les traites négrières. L'auteur s'emploie à relativiser la traite occidentale en invoquant la plus grande importance des traites dites orientales, en mettant en avant ce qu'il appelle l'offre africaine. Je voudrais vous demander ce que vous pensez de son approche en tant qu'historienne, mais aussi de commenter son intervention dans le contexte politique et intellectuel de la France d'aujourd'hui.

Françoise Vergès : Premier point : je trouve que c'est un livre très incomplet scientifiquement, très vague aussi dans certains aspects, et qui met sur le même plan toutes les traites. Il est évident qu'il faut parler des traites orientales et intra-africaines, et de leurs conséquences pour l'Afrique. Mais le livre ne permet pas de comprendre ce qui est différent entre ces traites. Je voudrais souligner que ce livre a été publié chez Gallimard, grande maison d'édition, à la Bibliothèque de l'histoire, et que quand il est sorti il a reçu aussitôt un soutien énorme des médias. Pour moi, c'est cet aspect symptomatique qui est intéressant dans ce livre, à côté de la question scientifique.

Pourquoi ce livre devient-il tout de suite une "bible" de référence absolue comme s'il n'y avait rien eu avant ni après ? Je pense que cela révèle plutôt la difficulté en France d'aborder ces questions de manière complexe. On nous fait croire que parce que Petre-Grenuilleau parle aussi des autres traites qu'il ferait une histoire complète, mais en fait, il ne nous explique pas pourquoi la traite négrière européenne dure si longtemps. Cet ouvrage aurait pu ouvrir un débat, mais le fait qu'on nous l'ait présenté comme l'ouvrage définitif sur cette question a refermé le débat. Ce que je souhaite, ce sont des débats vraiment critiques et ouverts.

QUESTION - Ne devrait-on pas faire la différence entre l'esclavage et la traite pour que ce soit plus clair pour tous ? Il s'agit alors de ne pas tout confondre et de ne pas permettre à ceux qui l'on pratiquée de s'excuser et de déplacer leur responsabilité...

Françoise Vergès : Les deux histoires ne sont effectivement pas exactement les mêmes, mais elles sont en même temps liées, c'est là la difficulté. Faire l'histoire de la traite négrière et de l'esclavage implique de se positionner sur plusieurs territoires : les ports négriers européens, les endroits de traite en Afrique, les îles où on s'arrête et les colonies où on arrive. Et ce qui se passe quand on arrive aux colonies, quel est le système qui attend les esclaves. Et ces systèmes varient d'une colonie à l'autre et vont aussi varier d'une époque à une autre. Ce qui se passe à la fin du XVIe siècle n'est plus ce qui se passe à la fin du XVIIIe siècle dans tous ces endroits. Il y a donc de vrais problèmes méthodologiques sur lesquels il faut réfléchir sérieusement. On ne peut pas traiter entièrement la question de la traite sans parler de la question de l'esclavage. Parce qu'il y aura des moments de pics de la traite et des moments de reflux qui vont correspondre à des demandes plus fortes ou plus faibles dans les colonies. Et les lieux de traite vont aussi se déplacer. Les deux questions sont donc à la fois séparées et liées.

QUESTION - Doit-on en arriver à demander des réparations selon vous à l'Occident ?

Françoise Vergès : D'abord, qui est "on" ? Parle-t-on des pays africains saignés par la traite, des sociétés anciennement esclavagistes ? Si l'on parle de la France, la question de la réparation pourrait s'entendre sous la forme de politique publique. Dans les domaines de la culture, de la recherche, de l'enseignement. Valoriser des lieux de mémoire, construire des centres de documentation, faire des bourses de recherche, aider les universités africaines, aider les maisons d'édition africaines. Faire une politique de soutien à la production de films, de documentaires. Et pour les DOM, comment réduire les inégalités, le chômage...

QUESTION - Le débat sur l'esclavage est-il selon vous à mettre sur le même plan que les autres génocides ? Y a-t-il eu volonté d'anéantissement ?

Françoise Vergès : Je pense qu'il est très important justement de distinguer en quoi c'est un crime contre l'humanité. La finalité de l'esclavage n'est pas le génocide. Le génocide, c'est la volonté délibérée d'effacer de la surface de la Terre un peuple, de faire qu'il n'en reste rien. La finalité de l'esclavage, c'est d'avoir accès à une force de travail inépuisable et que l'on traite très mal. C'est un système meurtrier, mais pas génocidaire. Il faut être très clair sur les termes. Mais pour autant, c'est un crime contre l'humanité.

QUESTION - En quoi la traite occidentale est-elle fondamentalement différente des autres formes de traite, si l'on met de côté l'intensité et l'industrialisation ? Qu'est-ce qui constituerait, sur le plan historique, la nouveauté de la traite transatlantique ?

Françoise Vergès : L'aspect massif de mise en relation de mondes différents. Il y a certaines traites orientales qui vont transporter des Africains en Inde, à Madagascar..., mais pas de manière massive. Les traites négrières européennes vont profondément bouleverser la cartographie du monde, en retraçant de nouvelles frontières, en créant de nouveaux Etats et en mettant en relation des peuples de manière violente. C'est ce qu'on appelle le "triangle atlantique", qu'il faut imaginer de manière multiple, complexe. La traite intra-africaine et orientale ne va pas produire cela de manière aussi massive.

QUESTION - Ne craignez-vous pas qu'en ouvrant un tel débat, il y ait de la récupération de la part de certains mouvements "communautarisants" du type de celui des "indigènes de la République" ?

Françoise Vergès : On peut s'y attendre, mais je n'en ai pas peur. Il n'y a pas de raison que ce terrain ne soit pas conflictuel. Toute réécriture de l'histoire donne lieu à des conflits. Que ce soit l'histoire des femmes, des ouvriers, des colonisés, et maintenant de nouveau l'histoire des esclaves, cela va donner lieu à des conflits. Tout le monde n'a pas les mêmes intérêts. Et c'est assez normal. Aucune écriture de l'histoire n'a été harmonieuse, sauf à imaginer une écriture totalitaire. Donc je combats les dérives, mais je ne les crains pas.

 

 

"LE NOIR EST UNE COULEUR INVENTÉE PAR L'ESCLAVAGE, PAR L'EUROPE"

QUESTION - Sur quel type de société l'abolition a-t-elle débouché ? Le sud des Etats-Unis, les Antilles françaises ou la Réunion sont-ils comparables ?

Françoise Vergès : Non, elles sont très différentes. C'est pourquoi il faut faire attention à toutes les différences. Il y a à la fois tout ce qui unit tous ces mondes, la traite et l'esclavage, et ce qui les différencie. Une des différences sur laquelle on insiste peu et qui me semble pourtant importante, c'est que dans les colonies de canne à sucre, Antilles et Réunion par exemple, il y a eu un très grand déséquilibre entre les sexes tout au long de l'histoire. C'est deux tiers d'hommes, un tiers de femmes en moyenne. Aux Etats-Unis, par contre, assez rapidement, il y a reproduction de la force de travail sur place. Cela signifie que les sociétés esclavagistes de canne à sucre sont beaucoup plus violentes et brutales. Ce sont des sociétés où des milliers d'hommes sont asservis par un tout petit groupe d'hommes. C'est une différence.

Autre différence : aux Etats-Unis, les esclaves vont avoir plus rapidement accès à la lecture et à l'écriture. Et c'est pour ça que nous disposons de témoignages d'esclaves, alors que dans les colonies françaises, aucun esclave n'a écrit son histoire.

Il y aurait beaucoup d'autres différences. Par exemple si on prend les colonies françaises seulement, il y a de très grandes différences entre la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Car le genre de culture qui se construit dans la colonie est évidemment en relation avec les populations d'esclaves qui y arrivent. A la Réunion, les esclaves viendront massivement de l'Afrique de l'Est, du Mozambique, et de Madagascar, apportant avec eux d'autres langues, d'autres cultures que les esclaves qui peupleront les Antilles françaises, qui viendront eux de l'Afrique de l'Ouest. Il y a aussi le fait que les Antilles sont dans les Caraïbes, qui constituent un vrai archipel. La Réunion est très isolée, les nouvelles vont arriver plus lentement. Il y aura aussi beaucoup plus de marronnage à la Réunion à cause de la géographie, les hautes montagnes où l'on peut se réfugier.

 

QUESTION - Que vous inspire la réalité réunionnaise, souvent vantée pour ses métissages ; est-elle une chance, résultat improbable de la traite ou une catastrophe issue de la même cause ?

Françoise Vergès : Première chose : oui, il y a un très fort métissage à la Réunion, une très grande diversité, puisqu'il y a eu aussi un nombre important des gens de culture indienne, de Chinois, de musulmans, plus qu'aux Antilles. C'est une petite île où il y a beaucoup plus de rencontres de civilisations très différentes. Et je préfère le terme de "créolisation" que celui de métissage. De toute façon, elle a été à l'œuvre dès les premières années de la naissance de cette société. C'est toujours à l'issue de processus inégalitaires, ce n'est pas harmonieux, mais ça a aussi donné l'incroyable richesse de la culture réunionnaise. La créolisation est donc une chance si l'ouverture à l'autre est toujours préservée.

QUESTION - Que vous inspire la réalité réunionnaise, souvent vantée pour ses métissages ; est-elle une chance, résultat improbable de la traite ou une catastrophe issue de la même cause ?

Françoise Vergès : Première chose : oui, il y a un très fort métissage à la Réunion, une très grande diversité, puisqu'il y a eu aussi un nombre important des gens de culture indienne, de Chinois, de musulmans, plus qu'aux Antilles. C'est une petite île où il y a beaucoup plus de rencontres de civilisations très différentes. Et je préfère le terme de "créolisation" que celui de métissage. De toute façon, elle a été à l'œuvre dès les premières années de la naissance de cette société. C'est toujours à l'issue de processus inégalitaires, ce n'est pas harmonieux, mais ça a aussi donné l'incroyable richesse de la culture réunionnaise. La créolisation est donc une chance si l'ouverture à l'autre est toujours préservée.

QUESTION - Que pensez-vous de l'association le CRAN (Conseil représentatif associations noires) ? Est-ce une association raciste ? Que dirait-on si des Blancs se réunissaient en fonction de leur couleur ?

Françoise Vergès : Mais les Blancs n'ont pas à se réunir en fonction de leur couleur. Le blanc n'est pas une couleur dans la société française. Quand vous êtes Blanc, vous n'êtes pas victime de discrimination parce que vous êtes Blanc. Peut-être parce que vous êtes une femme, mais pas à cause de votre couleur. Le noir est une couleur inventée par l'esclavage, par l'Europe. On entend souvent des enfants qui vous disent qu'ils n'étaient pas Noirs jusqu'à ce qu'ils aillent à l'école en France. C'est à l'école que tout d'un coup on leur a dit : sale Noir, sale Nègre, etc.

Deuxième chose : le CRAN s'est constitué pour notamment souligner le fait qu'être Noir en France n'était pas neutre. Vous êtes sujet à des discriminations quand vous êtes Noir. On pourrait rapprocher ce mouvement dans son projet du Mouvement pour les droits civiques aux Etats-Unis, qui demandait aussi la fin des discriminations dues à la couleur. L'accusation de communautarisme qui est faite chaque fois qu'un groupe veut se faire entendre est pour moi défensive. Ecoutons ce que les gens ont à dire.

QUESTION - Existe-t-il un débat analogue dans d'autres pays occidentaux ayant participé à l'esclavage ?

Françoise Vergès : Oui, en Angleterre, par exemple, grande puissance esclavagiste, il y a un débat. Liverpool, grand port négrier, a consacré une partie de son musée à la question. La ville a assumé son passé. Il y a d'autres musées qui ont des espaces consacrés à cette histoire. Il y a eu des films, des documentaires en Angleterre, et il y a tous les mois de février ce qu'on appelle le Black History Month où des tas d'aspects de l'histoire des mondes noirs sont abordés. A Amsterdam, il y a un centre d'études de la traite et de l'esclavage. Mais partout il y a de la résistance.

QUESTION - Quand on parle de responsabilité, ne pensez-vous pas qu'il faudrait inclure celle de l'Eglise dans la déportation et la déshumanisation d'individus ?

Françoise Vergès : Bien sûr. L'Eglise n'a pas bronché pendant des siècles, et a même soutenu la traite et l'esclavage. L'Eglise pensait que grâce à l'esclavage on allait christianiser ceux qui étaient présentés comme des sauvages. Beaucoup d'historiens ont d'ailleurs parlé de la responsabilité de l'Eglise.

QUESTION - Doit-on différencier les niveaux de responsabilité entre Etats africains esclavagistes et Europe ?

Françoise Vergès : Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais l'Europe doit se pencher sur sa responsabilité. Les responsabilités sont différentes. Ce n'est pas une question de moins ou de plus. Ce serait aux Africains eux-mêmes de discuter de leurs responsabilités. Mais les Etats africains actuels n'existaient pas à l'époque de l'esclavage. D'autre part, ce n'est pas une question de niveau, mais de forme de responsabilité différente.

QUESTION - Comment se fait-il que la France ait du mal à prendre en compte sa réalité multiculturelle ? Est-ce dû uniquement à l'absence (réparée aujourd'hui) de commémoration nationale de l'abolition de l'esclavage ?

Françoise Vergès : C'est aussi parce que la France s'est toujours pensée universelle. Depuis très longtemps, il y a une confusion entre être Français et l'universel. Léopold Senghor, le poète, avait une phrase très claire là-dessus, il disait : le Français veut apporter le pain et la liberté partout, mais ce pain et cette liberté seront français. L'universalisme de ce peuple est français. Et je pense que la France s'est constituée en pays universel, elle a confondu ce qui était français et ce qui était universel. Donc pour elle, c'est comme si elle était le monde entier.

QUESTION - Ne pensez-vous pas que la faiblesse de l'histoire enseignée concernant l'esclavage est liée à la faiblesse de l'histoire coloniale dans les programmes ?

Françoise Vergès : Oui, c'est un tout, comme je le disais. Il n'y a pas de chaire de l'histoire coloniale au Collège de France, il n'y a pas de grand laboratoire de recherche de l'histoire coloniale. Esclavage et monde colonial, c'est un peu compliqué pour la France. Mais nous avons plus d'historiens du monde colonial que du monde esclavagiste.

QUESTION - Pensez-vous que les commémorations de ce 10 mai en France sont à la hauteur de l'événement ?

Françoise Vergès : C'est la première, je pense qu'il faut d'abord se réjouir. C'est une étape dans une très longue marche qui commence avec les premiers esclaves et toute cette histoire gardée dans la mémoire orale des peuples. Ce matin, au jardin du Luxembourg, le magnifique poème d'Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, était dit par un acteur. En plein cœur de ce jardin, on entendait la voix d'un arrière-arrière-petit-fils d'esclaves. Réjouissons-nous déjà de ce premier pas. Il n'est pas une fin, mais une étape. Il faut continuer. Il y a encore énormément de choses à faire, et des choses passionnantes.

Chat modéré par Constance Baudry



VERBATIM



Discours de Jacques Chirac



Partager la mémoire de l'esclavage

 
LE MONDE | 30.01.06

 

Dans l'histoire de l'humanité, l'esclavage est une blessure. Une tragédie dont tous les continents ont été meurtris. Une abomination perpétrée, pendant plusieurs siècles, par les Européens à travers un inqualifiable commerce entre l'Afrique, les Amériques et les îles de l'océan Indien. Un trafic dont il faut se représenter la réalité : des villageois vivant dans la peur, enlevés en masse, privés de leur identité, arrachés aux leurs et à leur culture. Tant d'hommes et de femmes captifs, entassés dans des bateaux où plus d'un sur dix mourait. Tant d'hommes et de femmes vendus comme du bétail et exploités dans des conditions inhumaines! Chère Maryse Condé [écrivain, présidente du Comité pour la mémoire de l'esclavage], vous le racontez avec force et émotion dans votre beau livre, Ségou. La plupart des puissances européennes se sont livrées à la traite. Pendant plusieurs siècles, elles ont assimilé des êtres humains à des marchandises. En France, le code noir, promulgué en 1685, définissait l'esclave comme un "bien meuble".

L'esclavage a nourri le racisme. C'est lorsqu'il s'est agi de justifier l'injustifiable que l'on a échafaudé des théories racistes. C'est-à-dire l'affirmation révoltante qu'il existerait des "races" par nature inférieures à d'autres. Le racisme, d'où qu'il vienne, est un crime du cœur et de l'esprit. Il abaisse, il salit, il détruit. Le racisme, c'est l'une des raisons pour lesquelles la mémoire de l'esclavage est une plaie encore vive pour certains de nos concitoyens.

Dans la République, nous pouvons tout nous dire sur notre histoire. C'est d'autant plus vrai que la République s'est construite avec le mouvement de l'abolition. Les premiers à combattre l'esclavage furent les esclaves eux-mêmes. Les révoltes étaient fréquentes et sévèrement réprimées. Plus tard, il y eut le commandant Delgrès, soldat de l'armée républicaine, qui proclama le 10 mai 1802 qu'il voulait "vivre libre ou mourir"; Toussaint-Louverture, qui créa les conditions de l'indépendance de Saint-Domingue, devenue Haïti; la mulâtresse Solitude, Cimendef et Dimitile, figures emblématiques des "marrons", comme on appelait alors les esclaves fugitifs. Ces noms, ces destins hors du commun, souvent tragiques, trop peu de Français les connaissent. Pourtant, ils font partie de l'histoire de France.

Très tôt, une prise de conscience avait germé. Quelques-uns, parmi les Européens, s'étaient dressés contre l'esclavage. En France, ceux qui, avant même la République, avaient l'esprit républicain firent de l'émancipation leur combat. Ce fut l'honneur de la Ire République, en 1794, d'abolir l'esclavage dans les colonies françaises. Rétabli par le Consulat en 1802, il fut définitivement aboli, par la IIe République, le 27 avril 1848, à l'initiative de Victor Schœlcher.

Il faut le dire, avec fierté : depuis l'origine, la République est incompatible avec l'esclavage. C'est dans cette tradition historique que s'est inscrite la représentation nationale, lorsque, en 2001, elle a fait de la France le premier pays au monde à inscrire, dans la loi, la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité.

L'abolition de 1848 est un moment décisif de notre histoire : l'un de ceux qui ont forgé l'idée que nous nous faisons de notre pays, terre des droits de l'homme. Mais, au-delà de l'abolition, c'est aujourd'hui l'ensemble de la mémoire de l'esclavage, longtemps refoulée, qui doit entrer dans notre histoire : une mémoire qui doit être véritablement partagée.

Ce travail, nous devons l'accomplir pour honorer la mémoire de toutes les victimes de ce trafic honteux. Pour leur rendre la dignité. Nous devons l'accomplir pour reconnaître pleinement l'apport des esclaves et de leurs descendants à notre pays. Car de l'histoire effroyable de l'esclavage, de ce long cortège de souffrances et de destins brisés, est née aussi une grande culture. Et une littérature qui constitue sans doute l'une des meilleures parts de la littérature française d'aujourd'hui : vous en êtes, chère Maryse Condé, cher Edouard Glissant, parmi les plus éminents représentants. Et je pense aussi, bien sûr, à Aimé Césaire.

La grandeur d'un pays, c'est d'assumer toute son histoire. Avec ses pages glorieuses, mais aussi avec sa part d'ombre. Notre histoire est celle d'une grande nation. Regardons-la avec fierté. Regardons-la telle qu'elle a été. C'est ainsi qu'un peuple se rassemble, qu'il devient plus uni et plus fort. C'est ce qui est en jeu à travers les questions de mémoire : l'unité et la cohésion nationale, l'amour de son pays et la confiance dans ce que l'on est.

C'est pourquoi je souhaite que, dès cette année, la France métropolitaine honore le souvenir des esclaves et commémore l'abolition de l'esclavage. Ce sera, comme le propose votre rapport, au terme d'un travail très approfondi, le 10 mai, date anniversaire de l'adoption à l'unanimité par le Sénat, en deuxième et dernière lecture, de la loi reconnaissant la traite et l'esclavage comme un crime contre l'humanité.

Aucune date ne saurait concilier tous les points de vue. Mais ce qui compte, avant tout, c'est que cette journée existe. Elle ne se substituera pas aux dates qui existent déjà dans chaque département d'outre-mer. Dès le 10 mai de cette année, des commémorations seront organisées dans les lieux de mémoire de la traite et de l'esclavage en métropole, outre-mer et, je le souhaite, sur le continent africain. Votre Comité devra y veiller.

Au-delà de cette commémoration, l'esclavage doit trouver sa juste place dans les programmes de l'école primaire, du collège et du lycée. En outre, les œuvres, objets et archives relatifs à la traite et à l'esclavage constituent un patrimoine d'une exceptionnelle richesse : il devra être préservé, valorisé et présenté au public dans nos musées.

Nous devons également développer la connaissance scientifique de cette tragédie. Même si cela ne diminue en rien la responsabilité des pays européens, la mise en place de la traite, comme l'a bien montré votre rapport, demandait une organisation, mais aussi des relais actifs dans les territoires dont étaient issus les esclaves ou dans des pays voisins. Il y eut un esclavage avant la traite. Il y en eut un après. Enrichir notre savoir, c'est le moyen d'établir la vérité et de sortir de polémiques inutiles. Un centre de recherche sera créé à cet effet.

Et, bien sûr, la mémoire de l'esclavage doit s'incarner dans un lieu ouvert à tous les chercheurs et au public. J'ai décidé de confier à Edouard Glissant, l'un de nos plus grands écrivains, homme de la mémoire et de l'universel, la présidence d'une mission de préfiguration d'un Centre national consacré à la traite, à l'esclavage et à leurs abolitions. Le Comité pour la mémoire de l'esclavage, chère Maryse Condé, sera étroitement associé à cette mission.

Enfin, le combat contre l'asservissement est un combat d'aujourd'hui. C'est un combat de la France et de la francophonie. Le travail forcé existe, sous une forme ou sous une autre, sur presque tous les continents : selon les Nations unies, plus de 20 millions de personnes en sont victimes. Comment tolérer qu'en ce début du XXIe siècle il y ait, dans le monde, des familles "enchaînées", génération après génération, dans la servitude pour dettes? Que tant d'enfants travaillent, et dans des conditions épouvantables? Que tant de jeunes filles soient vendues par leurs familles, pour devenir des domestiques sans salaire ou être livrées à la prostitution? Il y a eu des progrès. Mais la tâche reste immense : la France est au premier rang dans ce combat pour les droits de l'homme. Afin de lutter contre les survivances de l'esclavage, mais aussi contre ses résurgences dans le contexte de la compétition économique mondiale, il faut approfondir la coopération entre les pays du Nord et ceux du Sud. La croissance doit être un accélérateur du progrès social. Il faut aussi rapprocher les organisations internationales concernées, en particulier l'Organisation internationale du travail et l'Organisation mondiale du commerce. Le droit du commerce international ne saurait ignorer les principes fondamentaux des droits de l'homme.

Il nous faut enfin veiller à ce que les entreprises occidentales, lorsqu'elles investissent dans les pays pauvres ou émergents, respectent les principes fondamentaux du droit du travail tels qu'ils sont inscrits dans le droit international. C'est pourquoi je compte proposer une initiative européenne et internationale. Les entreprises qui, sciemment, auraient recouru au travail forcé doivent pouvoir être poursuivies et condamnées par les tribunaux nationaux, même pour des faits commis à l'étr

Publié dans IDENTITÉ NATIONALE

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